Quotas de PV : quand y en a plus…y en a encore !

 

Pas de répit pour les conducteurs ! Soi-disant abandonnée, la politique du chiffre est en fait toujours bel et bien en vigueur, et c’est n’est pas le déploiement massif du PV électronique qui va arranger les choses.

PV stationnement -Frederic Bisson

Crédit Frédéric Bisson (Creative Commons)

Le 21 janvier 2014, le syndicat Alliance Police a, une fois de plus, dénoncé le comportement d’un officier qui obligeait ses subordonnés à signer des feuilles d’objectifs, avec un nombre minimum de PV électroniques ou timbre amendes à dresser au cours de chaque vacation. Survenu à Orléans, ce cas n’est pas isolé : si en haut lieu, on jure la main sur le cœur que la politique du chiffre n’a plus cours, celle est toujours appliquée dans les faits.

A Chartres, une note de service datée d’octobre dernier indiquait aux policiers qu’ils seraient désormais notés en fonction du nombre de contraventions dressées, une décision prise par un commandant de police en raison de la baisse de l’activité contraventionnelle du commissariat de Chartres « depuis la mise en place du procès-verbal électronique ». « Une personne de la hiérarchie a sorti une note de service en disant que les PV allaient être comptés tous les jours et que la notation des collègues s’en ressentirait s’il n’y avait pas assez de PV » témoigne Magali Nardin, déléguée du syndicat Alliance Police à Chartres, dans un reportage diffusé sur France Inter. « Il n'y a plus de quotas à proprement parler, mais s'ils ne mettent pas assez de PV, ils sont sanctionnés ».

Les agents notés en fonction du nombre de PV

Autre preuve : cette feuille de notation annuelle, délivrée l’été dernier à un fonctionnaire de police et que s’est procurée le journal 20 Minutes, sur laquelle on peut lire l’appréciation suivante : « doit faire preuve de plus d’implication dans l’activité contraventionnelle »
« La culture du chiffre est toujours là », confirme dans ce même article un gardien de la paix parisien. « On a beau dire ce qu’on veut, les PV, ça fait partie de la notation. Et certains collègues sont mal notés parce qu’ils ne font pas assez de PV alors qu’ils sont bons en recherche de la délinquance ».

 copie ecran 20 minutes

Capture d'écran 20minutes.fr -D.R.

Au mois d’octobre dernier, c’était un commandant de la CRS autoroutière du sud de l'Ile-de-France qui avait carrément menacé ses subordonnés de les priver de leur repos de fin d’année si ceux-ci ne dressaient pas au minimum trois PV électroniques par agent et par vacation, car comme l’indique sa note de service, « notre mission autoroutière ne pouvant justifier, en raison de la hausse des accidents, que des agents puissent effectuer une vacation sans constater la moindre infraction » !

Quelques jours plus tard, rebelote au sein de la CRS autoroutière Lorraine-Alsace, où Alliance Police dénonce les méthodes d’un officier qui « pousse par tous les moyens ses personnels à la culture de l’activité quantitative », en usant notamment de « menaces directes pour certains des personnels, passe-droits accordés pour d’autres ».

Tout sur le contrôle routier,  rien contre les cambriolages !

Idem à Rennes, où des agents de police ont débrayé en novembre dernier notamment pour protester contre un quota de PV quotidiens à dresser, avec un système de classement affiché dans le commissariat, indiquant le nombre de PV atteint par chaque agent. « Nous souhaitons exprimer notre ras-le-bol concernant les quotas de PV qui nous sont demandés, les sanctions, les convocations régulières si les quotas ne sont pas faits », indique le communiqué de la section syndicale CFDT des agents de police de Rennes annonçant la grève. « On nous met la pression », témoigne l'une des « pervenches », interrogée par le journal 20 Minutes, évoquant un quota proche des 60 PV quotidiens.

A Nîmes et Alès, des fonctionnaires de police ont eux aussi témoigné à l’automne dernier dans la presse locale de sanctions et de notations annuelles dégradées suite à une activité jugée insuffisante en matière de contraventions. : « coller des PV n’est pas une fin en soi. Mais c’est quantifiable en termes de chiffres. C’est visible » relate l’un des agents sanctionnés au journal Midi Libre. « Le nombre de cambriolage explose, mais qui s’en occupe ? On nous demande de verbaliser à outrance. Il faut faire rentrer de l’argent. On reçoit des notes de service pour aller opérer des contrôles routiers, mais on n’a pas d’instructions pour les cambriolages. C’est pourtant devenu le souci majeur de nos concitoyens ».

PV électronique : objectif = doubler les chiffres !

Au-delà d’une politique de quotas visiblement toujours appliquée en local, le déploiement du PV électronique, très coûteux à mettre en place -32,8 millions d’euros en 2013 et 31,6 millions d’euros en 2014- s’accompagne d’ores et déjà d’objectifs chiffrés que le gouvernement ne cherche même à cacher : le projet de loi de finances 2014 indique ainsi que « pour 2014, l’objectif est d’atteindre un total de 23 millions d’avis de contravention traités par PVé ». Et le gouvernement voit même plus beaucoup plus grand, en se donnant comme objectif d’atteindre 46 millions de PV électroniques en 2016, soit deux fois que pour cette année ! Les pouvoirs publics s’attendent-ils donc à voir les infractions doubler en deux ans…ou est-ce plutôt une manière de racketter deux fois plus les conducteurs ?

Derrière des arguments de sécurité routière, c’est bien en fait la question de la rentabilité financière qui prime. Et en la matière, le PV électronique devrait s’avérer redoutablement efficace : dans le projet de loi de finances 2014, il est ainsi souligné que « le nombre de messages d’infraction traités par le CNT de Rennes à partir du PVé est, sur les cinq premiers mois de 2013, de près de 1,6 millions de messages d’infraction par mois, contre 1,5 millions pour le contrôle automatisé ». Un bon moyen pour renflouer les caisses de l’Etat en complément des radars, qui ont, pour la première fois l’an dernier, moins  flashé que l’année précédente.