La Commission européenne a publié son projet de révision de la directive encadrant le contrôle technique. Il y est notamment proposé d’annualiser les visites périodiques pour les véhicules de plus de dix ans d’âge. Aussi inutile que coûteuse, la mesure servira une nouvelle fois des intérêts privés au détriment du grand public. Du Bruxelles dans le texte.
L’Europe, sa Commission européenne et ses puissants lobbys ont une nouvelle fois fait étalage de tout leur savoir-faire à l’occasion de la présentation du projet de révision de la directive qui porte sur le contrôle technique. Faut-il le rendre moins cher ? En espacer les cadences pour les voitures qui n’ont plus vraiment de moteur, comme les électriques ? C’est en réalité tout l’inverse que propose Bruxelles, qui a manifestement prêté une oreille fort attentive au discours des entreprises spécialisées dans le domaine. Sa préconisation : une fois sa 10e année échue, tout véhicule particulier ou utilitaire devrait passer une visite technique périodique annuelle. Le schéma évoluerait donc d’un contrôle 4 années après la mise en service puis tous les 2 ans (4-2-2) à quatre années après la mise en service, trois fois tous les deux ans, puis tous les ans (4-2-2-2-1). Mais les caciques de la Commission vont encore plus loin. Les camionnettes (utilitaires) seraient pour leur part soumises à une visite pollution annuelle dès l’année suivant leur mise en circulation. Ce qui signifie que des véhicules qui sentent encore le neuf seraient tenus de se mettre à fréquenter les centres de contrôle !
Histoire de faire passer la pilule des 78 euros qui deviendraient annuels (c’est la moyenne du coût d’un contrôle technique en France), la Commission met en avant son souci d’améliorer la sécurité routière. À voir. En effet, les deux premières défaillances détectées lors d’un contrôle technique, de loin les plus fréquentes, n’ont strictement rien à voir avec la vétusté des véhicules. Sont d’abord concernés le mauvais réglage des phares (dans 4,73 % des cas), puis les pneus un peu lisses (3,44 %)… Les autres chiffres du contrôle technique français ne donnent pas non plus vraiment l’impression qu’il y a urgence dans l’annualisation du contrôle des véhicules les plus âgés. Les taux de contre-visite ont été stables en 2024 pour les voitures particulières (19 %) comme pour les utilitaires (22,8 %). Quant aux visites complémentaires qui visent à vérifier la pollution sur les utilitaires, elles n’ont envoyé que 1,5 % d’entre eux en contre-visite.
Le pire, c’est que la Commission joue la surenchère par rapport aux attentes du petit monde du contrôle technique. Réunis en France en février 2025, les Dekra, Autovision et autres SGS avaient en effet plaidé pour que les contrôles s’annualisent pour les camionnettes de plus de 10 ans « uniquement ». Un rêve idéal que notre ministère de l’Écologie s’était alors senti obligé de briser avec un post sur le réseau X, qui revêt aujourd’hui une saveur particulière : « Contrairement à ce qu’ont laissé entendre certains médias, aucun projet d’évolution de la règlementation nationale n’est à l’ordre du jour pour raccourcir la périodicité des contrôles techniques, quel que soit l’âge du véhicule ». À peine deux mois après « l’enterrement » du projet par le ministère français, voici donc que l’idée ressurgit du côté de Bruxelles… pour les utilitaires, mais aussi les voitures particulières. Quel zèle !
Bien sûr que le problème du vieillissement du parc est général et bien réel. En France, rien qu’en 2024, près de la moitié des 5,4 millions de voitures d’occasion qui ont changé de propriétaire étaient âgées de 10 ans et plus (28 % de 15 ans et plus !). Contre 1,7 million de voitures neuves… Conséquence logique de ce vieillissement, 60,3 % des véhicules qui ont été présentés à un contrôle technique l’an dernier avaient plus de 10 ans, soit + 1,6 point sur un an et + 8 points sur 10 ans. Mais est-ce qu’annualiser le contrôle technique permettra de rajeunir le parc ? Rien n’est moins sûr. En revanche, ce qui est certain, c’est que cette mesure, si elle était adoptée, octroierait 13 millions de contrôles techniques supplémentaires chaque année aux quelques réseaux qui se partagent le marché en France et ailleurs irait très vraisemblablement dans le sens d’une amélioration de leurs finances. Au nom de la sécurité routière, quelles couleuvres ne cherche-t-on pas à nous faire avaler !
En revanche, pour l’état des routes qui se dégrade, les comportements dangereux au volant qui se multiplient, on verra plus tard.