Tour de France de la LDC : un an après, nos grands témoins toujours dépités par la politique automobile du gouvernement

Il y a un an, notre association se lançait dans un grand Tour de France à la rencontre de ses sympathisants. À l’approche de l’élection présidentielle de 2022, nous avions recueilli leur avis sur la répression routière, l’état des routes, la formation à la conduite, la fiscalité, la transition écologique… Depuis, sur fond de réélection d’Emmanuel Macron, de guerre en Ukraine, d’envolée de l’inflation et des prix des carburants, la politique anti-voiture demeure omniprésente. Nous avons recontacté quatre de nos grands témoins, un an après notre première rencontre, pour connaître l’impact des événements de 2022 sur leur quotidien d’automobiliste et/ou de motard. Le bilan est sombre.

Qui sont les 4 témoins qui ont à nouveau répondu aux questions de la LDC ?

Emmanuel
Depuis le département du Nord, ce retraité se désespère de voir qu’aujourd’hui, tout est prétexte « à se faire une mauvaise idée de la voiture, que ce soit la vitesse, la pollution, la forme de la voiture… »

Hervé
Citoyen résigné, cet automobiliste et motard, qui habite dans l’Ain, est aujourd’hui « dans l’aigreur envers nos décideurs ». Le 80 km/h, les Zones à faibles émissions, ça ne passe pas. Au point qu’il a pris la décision de ne plus aller voter.

Olivier
Ce violoniste résidant à Figeac (Lot) estime qu’aujourd’hui, « rien de démocratique ni d’intelligible n’est proposé autour de la voiture ».

Véronique
Résidant en Isère, cette passionnée d’automobile supporte de moins en moins l’allongement de ses temps de trajet. De même, elle reste dubitative face à la politique qui consiste à faire la promotion des voitures électriques au détriment de toutes les autres motorisations.


Premier thème abordé : Politique & automobile

Jugez-vous satisfaisante la place qu’a eue l’automobile dans les débats de la campagne présidentielle ?

Emmanuel : Ça n’a pas avancé, l’automobile est toujours aussi mal vue. Avec le tout-électrique, on va droit dans le mur. On ne peut pas modifier, en quelques années, cent ans d’histoire technologique et d’habitudes sociologiques.

Hervé : Non, ce sujet a été totalement absent de la campagne. J’attendais pourtant que certains prennent le taureau par les cornes.

Olivier : Pas du tout. Pourtant l’automobile je pense que ça concerne à peu près 100 % des Français. Or elle continue à être utilisée comme repoussoir, comme bouc émissaire. Rien de démocratique ni d’intelligible n’est proposé autour de la voiture.

Trouvez-vous que la posture anti-voiture des politiques s’est encore renforcée ces douze derniers mois ? Si oui, comment le vivez-vous depuis notre première rencontre ?

Véronique : Pour moi, c’est sûr ! On supprime des voies de circulation, des places de stationnement, on allonge le temps de parcours des automobilistes qui ne disposent pas de véritable alternative de transports en commun, qui ne peuvent pas se déplacer à vélo ou en trottinette. Je le constate lorsque je garde mon petit-fils, qui n’habite pas loin. Avant il me fallait un quart d’heure pour aller le chercher, aujourd’hui il me faut une heure, voire une heure et demie. Je n’exagère pas ! Il y a une volonté affichée d’empoisonner la vie de ceux qui ont besoin de leur voiture. Et encore, je suis à la retraite. Je plains les gens qui vivent ça au quotidien, il y a de quoi devenir dingue.

Olivier : C’est pire. La politique anti-voiture, c’est quand même essentiellement la politique « anti-voitures des autres », parce que nos décideurs eux, ne circulent pas à dos d’âne, on les voit peu dans le métro. C’est toujours aux mêmes que les efforts sont demandés.


Deuxième thème abordé : Répression & radars

Qu’avez-vous ressenti lorsque, suite à une question de la Ligue de Défense des Conducteurs, le ministère de l’Intérieur a révélé que 58 % des PV entrainant un retrait de point concernaient des excès de vitesse de moins de 5 km/h ?

Véronique : C’est bien la preuve que la Sécurité routière est une tirelire. De toute façon, aujourd’hui l’automobiliste est une vache à lait sur qui on tire à la sulfateuse à PV.

Emmanuel : On l’a mauvaise. C’est un acharnement permanent contre le moindre excès de vitesse. C’est de la folie, on est traqués, piégés, cela donne le sentiment d’être un animal chassé. D’une manière générale, tout est sujet aujourd’hui à se faire une mauvaise idée de la voiture, que ce soit la vitesse, la pollution, la forme de la voiture…

Que vous inspire l’annonce par Gérald Darmanin de sa volonté de ne plus retirer de point pour les dépassements de moins de 5 km/h hors agglomération ? Souhaiteriez-vous comme la LDC qu’il n’y ait plus de sanction du tout, ni retrait de point ni amende ?

Emmanuel : Si je peux économiser des points et de l’argent, tant mieux. Certes il faut sanctionner les excès de vitesse importants, mais je ne suis pas certain que quelqu’un qui dépasse de 10 ou 15 km/h la limite sur autoroute soit un danger public. En revanche l’alcool, le téléphone, le cannabis devraient être beaucoup plus sanctionnés. Il faut du discernement dans la répression.

Olivier : On reste dans l’infinitésimal, on va peut-être un tout petit peu moins nous taper dessus. Mais je pense de toute façon que les points ne devraient être retirés du permis que lorsqu’il y a accident, pas pour une simple infraction. Si quelqu’un passe à deux heures du matin à 140 km/h devant un radar à 130, il va être considéré comme coupable alors qu’il n’a rien fait de mal. En revanche, celui qui fait tomber un cycliste en sortant de stationnement parce qu’il a mal regardé son angle mort, lui on ne va pas lui retirer de points. C’est le monde à l’envers.


Troisième thème abordé : Transition écologique

Aujourd’hui, est-ce que vous en savez davantage sur les ZFE en général, ou la ZFE la plus proche de chez vous ? Vous sentez-vous mieux informés qu’il y a un an ?

Véronique : Pas du tout. Mais je pense que c’est volontaire de la part de l’État de mal informer les gens. Il suffirait que nos politiques aillent voir dans beaucoup de quartiers, ou ne serait-ce que dans la circulation, et ils verraient qu’une grande majorité de véhicules ne pourront plus rouler. C’est terrible. En plus, cela va exclure tous les jeunes, qui auparavant pouvaient récupérer la voiture des parents ou des grands-parents, et qui maintenant devront se l’acheter avec le peu de moyens qu’ils ont. Tout ça pour des bénéfices minimes en matière de réduction de la pollution, et qui restent à prouver.

Emmanuel : Oui, je suis mieux informé, grâce à votre association. Mais les pouvoirs publics communiquent très peu là-dessus, et ce n’est pas clair. Il n’y a rien ni à la télé ni à la radio. L’État a bien la liste complète des immatriculations, qu’est-ce qui les empêche d’envoyer un courrier à chaque propriétaire ?

Hervé : Il n’y a toujours pas de communication officielle. On commence à en parler aux informations mais les gens débarquent complètement, j’ai l’impression que je ne vis pas sur la même planète. Ça fait deux, trois ans que j’en parle autour de moi. La mobilité c’est une poudrière, mais personne ne semble en avoir conscience. Si vous vous intéressez aux Zones à faibles émissions, vous savez que c’est explosif. Moi j’ai des clients à Lyon, qui sont à l’intérieur de la rocade de la ZFE, je n’irai plus les voir, je ne pourrai plus. Ça, plus le 80 km/h, c’est du chiffre d’affaires en moins. Ça représente entre 50 000 et 100 000 euros par an.

Olivier : L’État communique peu là-dessus parce que si les gens réalisaient vraiment ce qu’il va se passer, ça ferait du remous. Des millions de gens ne pourraient plus aller bosser, donc la communication officielle reste minimaliste. De mon côté, la Zone à faibles émissions la plus proche de Figeac, c’est Toulouse. Je ne connais absolument personne autour de moi qui fasse l’aller-retour entre ces deux villes sans y aller en voiture. Ce n’est pas possible autrement, mais vous passez tout de suite pour un vilain rétrograde. Personnellement elle me concerne peu cette ZFE, je possède une Crit’Air 1 que je fais rouler à l’éthanol. Je n’ai pas l’impression d’être un mauvais citoyen, mais d’être un gibier de potence, ça oui !

L’Union européenne a pris la décision d’interdire les ventes de véhicules à motorisation thermique neufs à partir de 2035. Qu’en pensez-vous ? Cela vous semble-t-il réaliste ?

Véronique : Ils sont complétement hors-sol, ce n’est pas du tout réaliste. Aujourd’hui on nous explique comment cuire l’eau des pâtes pour économiser de l’énergie, et dans le même temps on nous vante les voitures électriques, il faudrait m’expliquer. Je ne suis pas contre l’innovation, mais laissons le temps au temps.

Emmanuel : C’est beaucoup trop rapide, absolument pas réaliste et surtout, cette manière de faire est abominable. Ils auraient dû engager une transition, plutôt qu’une interdiction. Ils se trompent sur toute la ligne. À quoi pensent ces gens ? Ils n’ont pas mesuré l’impact socio-technologique d’une telle mesure. Favoriser l’électrique oui, interdire le thermique, non !

Hervé : Ce n’est absolument pas réaliste. On ouvre la porte aux Chinois en leur disant « allez-y, prenez notre marché ». Une vraie balle dans le pied. Partout ailleurs dans le monde, on continue au thermique, nous on veut « donner l’exemple », mais c’est de l’égo mal placé. Le 100 % électrique, c’est du « tout ou rien », et ce genre de solution ne fonctionne jamais. On entend déjà parler de clause de revoyure, ce qui ajoute de l’incertitude à l’incertitude.


Quatrième thème abordé : Pouvoir d’achat

Avez-vous renoncé à changer de voiture pour des raisons de coût ?

Emmanuel : Non ! J’ai acheté un Toyota Land Cruiser de 2011 Crit’Air 2, pour remplacer mon Nissan Terrano de 2002. Mais j’ai dû mettre deux fois plus de budget que ce que j’avais prévu. Tout ça parce qu’il me fallait un véhicule capable d’accéder à la Zone à faibles émissions de Lille et avoir la vignette Crit’Air qui va bien, ce qui était presque devenu le critère principal. Si cette ZFE n’existait pas, j’aurais acheté un véhicule beaucoup plus ancien… et beaucoup moins cher.

Hervé : J’ai envie de changer de véhicule mais ce qui me freine c’est que je ne sais toujours pas vers quoi m’orienter, si je dois prendre un diesel, un hybride, un essence, c’est le flou artistique. Mes voitures, j’ai pour habitude de les garder longtemps mais comme on ne sait pas comment on sera croqués demain, je préfère attendre.


Cinquième thème abordé : Quotidien du conducteur

Un an après notre rencontre, est-ce que quelque chose a changé dans votre rapport à la voiture ?

Véronique : Je continue à adorer la voiture. Même si aujourd’hui c’est un cauchemar de se dire qu’on doit prendre son véhicule pour aller quelque part. Ce n’est plus forcément un moment de plaisir. Le 30 km/h, les ralentisseurs qui sont de véritables tremplins, les trottinettes et vélos dans tous les sens sans casque ni protections, etc… C’est épouvantable de devoir conduire aujourd’hui, nous ne sommes plus sereins. Ce qui me sauve c’est d’être en territoire de montagne. Dès qu’on s’éloigne un peu, ça redevient fabuleux, j’y ai gardé ma passion. J’ai ça dans la peau.

Emmanuel : Ma voiture reste un instrument de liberté exceptionnel que je ne lâcherai jamais. Cela me permet d’aller partout, de parcourir des centaines et des centaines de kilomètres. D’ailleurs, ce sont vraiment mes deux critères, la liberté et l’autonomie.

Hervé : Non, mais mes usages se modifient. La voiture, c’est un outil de travail. La moto je voyageais avant beaucoup avec, mais je la prends de moins en moins depuis le 80 km/h. Résultat j’en ai acheté une moins puissante et j’essaie de me recalibrer pour ne pas être frustré. Je ne suis pas attaché à la performance, je trouve plutôt mon plaisir dans le fonctionnement mécanique d’un moteur thermique, donc j’ai pris un engin moins rapide, plus petit, plus rustique, sans assistance et je ne m’ennuie pas. C’est une conduite à l’ancienne, plus dans la contemplation. Je n’avais pas d’autre choix que de m’adapter. Mais j’ai beaucoup d’aigreur envers nos décideurs.

Avez-vous un message à faire passer à nos sympathisants, sur leur mobilisation, sur les efforts qui restent à produire pour qu’on se fasse encore mieux entendre ?

Véronique : Les actions que votre association a menées ont beaucoup apporté, il y a une bien meilleure visibilité, une bien meilleure lisibilité. Il faut continuer et ne rien lâcher.

Emmanuel : Il faut donner des moyens à votre association. Pour qu’elle résiste à toutes ces atteintes à notre liberté de circuler, il faut qu’elle ait les moyens de le faire. Surtout, ne pas lâcher !

Avez-vous un message à nous faire passer, à la LDC, pour qu’on se saisisse de sujets qui vous tiennent à cœur ?

Véronique : Il faut continuer votre mobilisation pour qu’on aille vers une vraie politique de sécurité routière. En tant que piéton on est en danger, en tant qu’automobiliste on a l’impression d’être responsable des agissements d’une minorité, ce n’est plus possible. On ne prend jamais le problème dans sa globalité.

Emmanuel : Je ne cesse de me demander quand on va arrêter « d’emmerder les Français » pour paraphraser un célèbre homme politique. Typiquement, devoir payer une amende et perdre 1 point de permis pour 1 km/h de trop, c’est abusif. Il y a trop de pression. Trop de limites aussi, trop de panneaux. On détourne le conducteur de l’attention qu’il devrait avoir sur sa route. On se trompe de cible.

Hervé : Moi le sujet c’est le 80. Ce n’est jamais passé. Aujourd’hui chaque département fait ce qu’il veut, les limitations changent tous les deux kilomètres, il faut être hyper vigilant. Dans l’Ain on reste à 80, je respecte et ça génère une aigreur. Au point où j’ai décidé de ne plus aller voter. C’est triste.

Olivier : Je pense que l’éthanol est un vrai sujet, qu’il a un vrai un rôle à jouer et que la France peut être leader là-dessus. Ça ne nécessite pas de changer l’ensemble du parc automobile, nous sommes capables de le produire chez nous, en quantité et à bas coût. En tout cas, merci à vous de faire tout ce travail.