Des radars « désactivés » et une accidentalité en baisse : les radars ne servent donc à rien !

Chaque fois qu’il le peut, le Délégué interministériel à la sécurité routière vante les mérites de ses radars chéris ; insistant sur le fait que les radars sauvent des vies et que "la dégradation du parc radars provoquera des morts". Entre-temps, la grogne sociale est passée par là et une grande partie des 3 439 radars automatiques en a fait les frais depuis novembre 2018.

Impact sur l’accidentalité routière ? La Ligue de Défense des Conducteurs a analysé les chiffres et le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan n’est pas en faveur des radars…

 

 

Les bilans de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière1 (ONISR) font état d’une baisse de la mortalité routière depuis 40 ans, donc bien avant l’apparition du premier radar en 2003. L’actuelle politique de sécurité routière pointe sans cesse la vitesse comme responsable de tous les maux sur les routes françaises, mettant moins l’accent sur d’autres facteurs prépondérants comme la somnolence, le manque de vigilance, l’état des routes, l’impact de l’alcool ou des drogues…

 

60 % de radars « désactivés »…

Les causes d’accidents étant multifactorielles, comment isoler et évaluer le poids du facteur vitesse ? La gronde des ronds-points a apporté un premier élément de réponse en neutralisant plus de la moitié du parc des radars français.

Si les radars sont vandalisés* depuis leur instauration, ils cristallisent la grogne populaire et sont la cible d’une colère accrue depuis l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, en juillet 2018.

En effet, le mouvement de contestation s’est attaqué aux radars dès le début de la grogne, ce qui a entraîné la « désactivation » forcée de 60 % des radars de l’Hexagone2, comme le précisait Christophe Castaner le 10 janvier dernier : « Près de 60 % [d’entre eux] ont été neutralisés, attaqués, détruits par celles et ceux qui se revendiquent [du mouvement] des Gilets jaunes ».

 

… qui mesurent toujours…

S’ils ont été masqués, bâchés, recouverts de peinture ou emballés avec du plastique, ces radars mesurent toujours les vitesses des conducteurs sans pouvoir flasher. En émettant une onde en continu, qui va « rebondir » sur le véhicule à son passage, le système analytique du radar va étudier le changement de longueur d’onde et calculer la vitesse du véhicule : c’est le fameux effet Doppler. Or cette onde traverse la peinture, les bâches ou le plastique (qui obstruent le système photographique cependant), ce qui va permettre au radar de continuer de mesurer des vitesses et de transmettre les infractions au central de traitement sans que la photo soit exploitable, donc sans possibilité de dresser des PV. C’est ce que concède Christophe Castaner :

« Certains sont juste bâchés. Et donc on a, à la fois la photographie qui ne peut plus se faire, mais on a toujours le radar qui permet d’enregistrer la vitesse de passage des véhicules. »

En revanche, cette situation a permis de mettre en lumière un phénomène : en l’absence d’arme de répression en état de fonctionnement, le nombre d’excès de vitesse a presque quadruplé3. Les radars ont ainsi enregistré une augmentation de 268 % des infractions routières3.

Donc, les radars ont été massivement « neutralisés » à partir de la mi-novembre 2018 avec près de 60 % de radars dégradés en décembre et le nombre d’infractions routières relevées a augmenté de 268 %.

 

Et pourtant…

De façon totalement involontaire, ces dégradations, par la « désactivation » des radars, ont donc permis d’isoler le facteur vitesse dans les causes multifactorielles d’accident. Au regard de l’isolement de cette variable accidentogène, il apparaît donc pertinent d’analyser les données et les chiffres fournis par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) sur cette même période pour juger objectivement de l’efficacité des radars. La Ligue de Défense des Conducteurs s’est donc attachée à répertorier et analyser les données issues de l’ONISR.

 

Figure 2   Article   Des radars dsactivs et une accidentalit en baisse

 

Pour objectiver au maximum cette démarche d’analyse, l’association a comparé les données d’accidentalité (fournies par l’ONISR dans ses bilans mensuels et annuels1) des deux mois « sans radars », novembre et décembre 2018, aux mois de novembre et décembre des cinq années antérieures jusqu’à l’année du bilan d’accidentologie « historique » de 2013. Les analyses comparent les mois de novembre et décembre 2018 aux autres mois de novembre et décembre pour éliminer le facteur saisonnier qui peut être responsable de disparités dans les données recueillies (figure 2).

 

Figure 3   Article   Des radars dsactivs et une accidentalit en baisse

 

Ainsi, pour le mois de novembre 2018 (partiellement impacté par la « désactivation » des radars**), on observe que le nombre de « tués » est similaire au mois de novembre 2017 (figure 3), supérieur aux mois de novembre 2013 (+ 15 morts) et 2016 (+ 9 morts) mais inférieur aux mois de novembre 2017 (- 5 morts), 2015 (- 29 morts) et 2014 (- 13 morts). Concernant les autres catégories (« Accidents corporels », « Blessés +24h », « Blessés » et « Victimes »), les données du mois de novembre 2018 sont meilleures que celles des mois de novembre des cinq années précédentes (figure 1). En moyenne, les données du mois de novembre 2018 sont inférieures à celles des mois de novembre des années 2013 à 2018 : 294 « Accidents corporels », 604 « Blessés +24h », 290 « Blessés » et 295 « Victimes » en moins.

Les données des mois de décembre 2018 (intégralement impacté par la « désactivation » des radars**) confirment la tendance du mois de novembre 2018 :

  • Le nombre de « Tués » est semblable à décembre 2017 (figure 3), supérieur de 6 morts à décembre 2014 mais très nettement inférieur à décembre 2016 (- 45 morts), décembre 2015 (- 13 morts) et décembre 2013 (- 21 morts).
  • En comparaison des mois de décembre entre 2013 et 2017 (figure 1), le nombre d’ « Accidents corporels » est inférieur pour le mois de décembre 2018 : - 190 « Accidents corporels » en moyenne.
  • En comparaison des mois de décembre entre 2013 et 2017, le nombre de « Blessés de plus de 24 heures » est inférieur pour le mois de décembre 2018 : - 674 « Blessés +24h » en moyenne.
  • En comparaison des mois de décembre entre 2013 et 2017, le nombre de « Blessés » est inférieur pour le mois de décembre 2018 : - 315 « Blessés » en moyenne.
  • En comparaison des mois de décembre entre 2013 et 2017, le nombre de « Victimes » est inférieur pour le mois de décembre 2018 : - 329 « Victimes » en moyenne.

Les résultats montrent que les données des mois de novembre et décembre 2018, pour les catégories « Accidents corporels », « Blessés +24h », « Blessés » et « Victimes » sont nettement meilleures que celles des mois de novembre et décembre des cinq dernières années (figure 1). Pour le nombre de « Tués », les résultats montrent que les données des mois de novembre et décembre 2018 sont supérieures aux résultats de trois mois étudiés sur dix et meilleures ou égale à sept mois sur dix étudiés (figure 3).

 

Conclusions

La gronde générale, qui a dégradé les radars sur le territoire national à hauteur de 60 %, a offert une occasion unique d’analyser leur "efficacité" sur l’accidentalité routière. En comparant les données des bilans mensuels de l’accidentalité de l’ONISR, des deux mois impactés par les neutralisations de radars** (novembre et décembre 2018), il a été possible de tirer plusieurs enseignements :

  1. En dépit de la dégradation des radars, ceux-ci ont quand même pu enregistrer les vitesses des véhicules. Une augmentation de 268 % des infractions routières a été constatée. Donc, lorsque les conducteurs ne sont pas soumis à la répression routière, ils augmentent leur vitesse naturelle de circulation.
  2. Malgré cette augmentation de la vitesse, l’accidentalité et la mortalité routière ont eu tendance à diminuer.

Finalement, en roulant plus vite, les conducteurs n'ont causé ni accidents ni morts supplémentaires par rapports aux années antérieures.

 

Plusieurs conclusions apparaissent :

- cela vient confirmer ce que des analyses statistiques ont déjà montré par le passé : il n'y a pas de lien systématique entre vitesse et mortalité routière.

- en conduisant un peu plus vite, les conducteurs se sont rapprochés de la vitesse naturelle de circulation, vitesse dictée par les circonstances et non par la seule limite réglementaire. Puisque cette vitesse naturelle n'a pas été source d'accidents supplémentaires, on peut penser que les limitations de vitesse en France sont inadéquates.

- enfin, les conducteurs, sachant que les radars sont hors-service, ne se trouvent plus dans un climat de paranoïa qui les oblige à scruter le moindre accotement pour y chercher les radars. Ils peuvent donc, en toute quiétude, focaliser leur attention à 100 % sur la route sans craindre le flash.

 

Moins d’angoisse des radars = plus de quiétude et d’attention sur la route = une accidentalité et une mortalité en baisse !

De quoi démolir le mythe des radars sauveurs de vie.

La Ligue de Défense des Conducteurs demande donc l'arrêt immédiat de la politique de sécurité routière par les radars.

 

*Rappelons que le fait de dégrader un radar est passible d’une amende allant jusqu’à 200 000 euros  et deux ans d’emprisonnement.

**À noter que le mouvement de dégradation nationale des radars a débuté le 17 novembre 2018. Le mois de novembre 20118 est partiellement affecté par la « désactivation » des radars. En revanche, le mois de décembre 2018 a été impacté totalement par ces neutralisations.

 

1 Bilans d’accidentalité de l’ONISR

2 France info, 10-01-2019.

3 Auto Plus, 31-01-2019.