Rapport de la Cour des comptes : vers la fin du tout-radar ?

Dans son dernier rapport sur la sécurité routière, la Cour des comptes, si elle ne remet pas en cause le contrôle automatisé par les radars – à notre grand dam – pose LA question : et si on faisait une pause sur la répression à outrance, pour revenir aux trois piliers qui sauvent vraiment des vies sur les routes : le conducteur, le véhicule et l’infrastructure ? À la Ligue de Défense des Conducteurs, c’est ce que nous demandons depuis des années…

 

À force de se focaliser principalement sur la chasse aux excès de vitesse (dont 96 % sont inférieurs à 20 km/h, il est bon de le rappeler), en investissant massivement dans les radars, la politique française de sécurité routière semble avoir atteint ses limites. C’est en substance la polémique que soulève le dernier rapport de la Cour des comptes, paru le 1er juillet, qui dresse un bilan de l’action étatique en la matière entre 2008 et 2019. Or, l’institution y note que depuis 2013, le nombre de décès sur nos routes a cessé de diminuer de manière notable. Elle y effectue aussi un très intéressant décompte des mesures de sécurité routière prises entre 2006 et 2019 : 43 décisions concernent la vitesse, 13 l’infrastructure, 10 le vélo, 6 les piétons et 2 les seniors… Vous avez dit déséquilibre des priorités ?

Le raisonnement simpliste de la Sécurité routière

La Sécurité routière n’en démord pas : ce qui ne va pas, c’est le comportement du conducteur, systématiquement assimilé à un délinquant routier en puissance, assoiffé de vitesse. Un raisonnement trop simpliste, semble dénoncer la Cour des comptes, qui souligne par ailleurs depuis plusieurs années dans ses rapports que les conducteurs, toujours plus responsables et prudents au volant, sont probablement aussi à l’origine de ce ralentissement de la baisse de l’accidentologie routière. Des observations qui restent cependant lettre morte, de même que les commentaires sur l’opacité de l’utilisation du produit des amendes issues des radars, initialement uniquement affecté à la politique de sécurité routière. Ce qui est loin d’être le cas, l’État le premier plongeant généreusement dedans pour combler un peu son déficit !

Que les voitures aient fait des progrès de géant en matière de protection des passagers et des passants (airbags, fixations Isofix, ABS, antidérapage ESP…), que les services d’urgence soient devenus si prompts à intervenir, que l’entretien des routes et leur signalisation soient demeurés des parents pauvres de l’action publique, tout cela passe au second plan pour expliquer, du point de vue de la Sécurité routière, la baisse de la mortalité. L’angle de la vitesse est tellement plus facilement contrôlable par radar… et cela rapporte !

Des recommandations frappées du bon sens

La solution, les magistrats l’ont identifiée : « Anticiper la défaillance possible du conducteur […] impose d’aménager les infrastructures de façon à minimiser les conséquences matérielles et corporelles des accidents. » En cela, le modèle du « système sûr » mis en place par la Suède et les Pays-Bas pourrait constituer une piste, à laquelle la Ligue de Défense des Conducteurs fait référence depuis des années. Il s’agit de toujours associer le triptyque « comportement, véhicule, infrastructure » en s’assurant qu’en cas de défaillance d’un de ces trois éléments, les deux autres soient en mesure de compenser et de limiter les dégâts.

La Cour note parallèlement une baisse de la présence des forces de l’ordre sur le bord des routes et demande cependant de « clarifier les objectifs d’implantation des radars », lesquels suscitent des critiques et des réticences dans l’opinion publique. Un énorme euphémisme : à la Ligue de Défense des Conducteurs, c’est tous les jours que nos sympathisants scandalisés nous contactent pour exprimer leur mécontentement quant à la politique de sécurité routière, réclamant entre autres plus de prévention, de formation, de lutte contre l’usage d’alcool et de stupéfiants au volant… On ne peut pas dire que l’expansion des voitures-radars privatisées, dont les chauffeurs, salariés d’entreprises privées non-assermentés, ne sont pas habilités à intervenir en cas de comportement dangereux d’un automobiliste ou un motard (contrairement à un gendarme ou un policier évidemment), aille dans le bon sens.

 

Pour la Cour des comptes, l’approche de la sécurité routière doit revenir aux fondamentaux : la formation du conducteur, l’amélioration de la sécurité du véhicule et l’entretien des infrastructures. Le recours systématique aux radars automatiques (ils seront 4 700 à la fin 2021 !) ne doit pas être la solution unique… Encore faut-il savoir ce que le gouvernement fera de ce rapport : la balle est dans son camp. Pour rappel, dès 2018, une étude de l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) préconisait une sortie « de la logique répressive en cherchant simplement à faciliter le comportement vertueux ». Tous ces appels du pied venus d’institutions qui ont pignon sur rue finiront-ils par payer ? La Ligue de Défense des Conducteurs y sera, en tout cas, très attentive et continuera, de son côté, à militer pour être enfin entendue par le gouvernement.