Ralentisseurs illégaux : la bataille juridique continue

L’association Pour une mobilité sereine et durable a saisi le Conseil d’État en 2022, suite aux décisions de différentes juridictions administratives refusant l’application de la réglementation en vigueur sur les ralentisseurs. La Ligue de Défense des Conducteurs s’est rendue à l’audience du 4 octobre, durant laquelle le rapporteur public s’est bien gardé de trancher en faveur de l’application du décret et de la norme de 1994 sur ces ouvrages surélevés, tous conçus pour baisser la vitesse... Car cela reviendrait à dire que l’immense majorité des ralentisseurs sont illégaux. Nous attendons tout de même avec impatience l’arrêt du Conseil d’État.

 

« Il faut mettre un frein à l’immobilisme ». Citant Raymond Barre dans son propos liminaire, le rapporteur public du Conseil d’État, censé délivrer ses préconisations sur le vaste sujet des ralentisseurs illégaux, n’a pourtant pas fait avancer le schmilblick durant l’exposé de ses conclusions devant les magistrats.

Rappelons que cette bataille se déroule sur fond de réglementations (décret 94-447 et norme 98-300 de 1994), de recommandations sans valeur légale émanant du Cerema (établissement public dédié aux politiques publiques d’aménagement et de transport), de terminologies obscures (absence de définition pour les plateaux traversants, ralentisseurs trapézoïdaux, plateaux ralentisseurs, plateaux surélevés…) et de caractéristiques géométriques (en l’occurrence, le trapèze). L’étude « Ralentisseurs illégaux : + d’accidents, + d’impact sur l’environnement, + de carburant, + d’inconfort, + de bruit  », publiée en 2022 par la Ligue de Défense des Conducteurs, en partenariat avec l’association Pour une mobilité sereine et durable (PUMSD), ne laissait pourtant plus la place au doute : oui, les centaines de milliers de ralentisseurs construits en faisant fi du décret et de la norme cités ci-dessus sont illégaux.

Mais c’était compter sans la complexité de ce dossier qui s’impose au Conseil d’État, saisi par PUMSD pour qu’il casse deux arrêts de la Cour administrative d’appel de Marseille. Tout repose sur la géométrie : d’un côté, le département du Var soutient que malgré leur forme de trapèze, les plateaux traversants ne sont pas soumis au décret 94-447, car ils n’ont pas toutes les caractéristiques d’un ralentisseur trapézoïdal. De l’autre, PUMSD affirme que quelle que soit leur appellation, tous les ralentisseurs sont soumis à la réglementation du décret…  En résumé, le débat porte sur la qualification juridique des ouvrages dit « plateaux traversants et coussins » et donc, sur le terme juridique qui devrait leur être appliqué.

Selon le rapporteur public, trois décisions sont envisageables :

- Considérer que la Cour administrative d’appel de Marseille n’a pas correctement défini les termes « plateaux traversants », « de coussins » ou « ralentisseurs de type trapézoïdal » et par conséquent, n’a pas motivé suffisamment sa décision. En clair, c’est le statu quo : à charge pour la Cour administrative de renvoi qui sera saisie de se prononcer sur ce micmac !

- Décider que les plateaux traversants et les coussins ont le droit d’exister sans respecter le décret et la norme. Exprimé différemment, chacun fait ce qu’il veut quand il construit un ralentisseur et tant pis pour la sécurité des usagers de la route…

- Enfin, opérer une « lecture constructive » de la situation (ce sont les mots du rapporteur public) et trancher : tous les ouvrages surélevés doivent obéir au décret et à la norme de 1994.

Bien évidemment, c’est cette troisième solution que nos deux associations espèrent voir retenue dans l’arrêt. « N’oublions pas que nous parlons de sécurité routière, commente Thierry Modolo-Dominati, porte-parole de PUMSD. Les emplacements et les dimensions des ralentisseurs n’ont pas été déterminés au doigt mouillé. En respectant la norme et le décret, on fait baisser la vitesse sans engendrer d’usure, de casse ni d’accident. Dans le cas contraire, on multiplie les risques ! »

À la Ligue de Défense des Conducteurs, tous les jours, nos sympathisants nous signalent des ralentisseurs mal positionnés et/ou trop hauts sur lesquels, même à moins de 20 km/h, ils râclent le plancher de leurs véhicules… voire pire. Les automobilistes et les motards font l’objet d’une répression inflexible. Pourquoi cette rigueur n’est-elle pas appliquée dans l’autre sens, quand ce sont les pouvoirs publics qui s’affranchissent des règles ?

Plus qu’un « frein à l’immobilisme », c’est la fin de l’immobilisme tout court que la Ligue de Défense des Conducteurs et PUMSD souhaitent voir émerger de la décision du Conseil d’État. Rendez-vous dans quelques semaines pour connaître tous les détails de cet arrêt.