12 mois de routes à 80 km/h… et 12 raisons de l’arrêter ! *

Ça y est, la triste mesure d’abaissement de la vitesse à 80 km/h a soufflé sa première bougie. Après 12 mois de mise en place infructueuse, entre point de départ de la grogne des « Gilets jaunes », incompréhension à tous les étages et bénéfices qui ne sont pas au rendez-vous, la Ligue de Défense des Conducteurs vous présente 12 raisons d’arrêter cette mascarade.

 

 

Historique d’une mesure contestée

Dès les premières tentatives gouvernementales d’instaurer le 80 km/h en 2013, une large mobilisation entraînait un recul du ministre de l’Intérieur en 2014. Face à l’importance de l’enjeu, la pétition de la Ligue de Défense des Conducteurs « Non à la baisse des limitations de vitesses » recueillait plus de 2,1 millions de signatures1, permettant ainsi à l’Association d’être entendue par le Sénat.

Le 9 janvier 2018, lors du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), le Premier ministre a décidé d’imposer la généralisation de la vitesse réglementaire de 80 km/h sur toutes les routes « bidirectionnelles sans séparateur central ». Dès lors, dans de nombreuses manifestations, automobilistes et motards ont uni leurs forces contre le 80 km/h. Malgré l’impopularité du 80 km/h et la contestation massive des Français, le gouvernement a mis en place cette mesure le 1er juillet 2018…

Après son entrée en vigueur, le 80 km/h devient rapidement un sujet brûlant, constituant d’ailleurs le point de départ de la crise du mouvement des Gilets jaunes (avec la hausse des taxes sur le carburant). Notamment dans la France rurale où la possession d’un véhicule est une obligation et où, sur de longues distances, la diminution des vitesses réglementaires entraînera un allongement sensible des temps de trajet.

Différents sondages démontrent l’opposition des Français envers cette mesure. En 2018, avant la mise en place de la mesure, 74 % des Français se disaient défavorables à l’abaissement de la vitesse à 80km/h2. En 2019, un an après son entrée en vigueur, 88 % de la population souhaite annuler le décret3 qui a instauré le 80 km/h.

Le 18 juin 2019, lors du vote en première lecture de la loi d’orientation des mobilités (LOM), l’Assemblée nationale a adopté un amendement autorisant un assouplissement des 80 km/h. Seules certaines routes départementales, sous plusieurs conditions, pourraient se voir fixer une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/h à celle prévue par le code de la route4, par les Présidents de Conseils départementaux. En revanche, la vitesse des routes nationales ne pourra pas être relevée, malgré le fait qu’elles soient plus larges et mieux aménagées… Encore une aberration !

D’ailleurs, pour guider la réflexion des Présidents de Conseils départementaux de France, la Ligue de Défense des Conducteurs leur a présenté ses arguments en faveur d’un retour à la limitation de vitesse à 90 km/h.

 

 

12 raisons d’arrêter le 80 km/h pour revenir au 90 km/h

 

  1. Le bilan statistique du 80 km/h est peu concluant

Selon les données disponibles de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière pour la France métropolitaine, en comparant l’accidentalité des mois d’application du 80 km/h (de juillet 2018 à mai 2019) à ceux de la période précédente, limitée à 90 km/h (de juillet 2017 à mai 2018), 105 vies ont été épargnées (tableau) sans pour autant que cela puisse être attribué à cette mesure, étant donné la multiplicité des facteurs impliqués dans un accident (état de l’infrastructure, du véhicule, météo, etc…). En revanche, le nombre d’accidents corporels a augmenté de 196 personnes. Ce total est très loin des estimations sur lesquelles s’est basé le Premier ministre pour dicter sa mesure puisque celles-ci s’élevaient à 350 - 400 vies épargnées.

Accidentalit 80 vs 90

Tableau. Comparaison de l’accidentalité selon la limitation de vitesse du réseau secondaire (Juillet 2018-mai 2019 vs Juillet 2017-mai 2018)

 

  1. L’accidentalité au niveau départemental n’enregistre pas d’amélioration associée au passage à 80 km/h

Sur l’ensemble des 96 départements de France métropolitaine, 71 départements ont vu l’évolution de la mortalité routière se détériorer sur la période 2017-2018 par rapport à la tendance 2010-2018, et cela malgré la mise en place du 80 km/h… Dès lors, il est légitime de douter de l’efficacité du 80 km/h.

 

  1. Le 80 km/h ignore les causes principales des accidents

Si la vitesse est sans cesse pointée du doigt pour expliquer un accident, en réalité, les causes d’un accident sont multiples : consommation d’alcool/drogues, inattention, endormissement, non-respect de la signalisation ou du code de la route, inexpérience, mauvais état du véhicule ou de l’infrastructure, météo… D’ailleurs le Président de la Corrèze indique que « les chaussées humides sont responsables dans un accident sur deux » alors que la vitesse n’est la cause principale que dans 17 % des accidents graves dans le département. La politique de sécurité routière doit donc tenter de trouver des réponses à tous les facteurs d’accident et non pas uniquement se focaliser sur la vitesse, sauf que ça rapporte…

 

  1. Les statistiques de la baisse de la vitesse sur la rocade de Rennes contredisent les bienfaits supposés de l’abaissement de la vitesse sur l’accidentalité

En 2015, d’après le bilan de l’abaissement de la vitesse de la rocade de Rennes de 20 km/h, pendant un an, les résultats en termes d’accidentalité se sont détériorés sur la même période. Le nombre d’accidents est passé de 28 à 33, celui des blessés est passé de 38 à 43 et le celui des véhicules impliqués dans les accidents corporels est passé de 54 à 71.

 

  1. L’efficacité de la baisse des limitations de vitesse désavouée par les statistiques de l’abaissement de la vitesse sur le périphérique parisien

Depuis 2014, la vitesse du périphérique parisien est abaissée de 10 km/h, ce qui se traduit par une hausse de l’accidentalité et de la mortalité. La moyenne annuelle du nombre de morts a augmenté de 24 % alors que dans le même temps le nombre de véhicules circulant sur cet axe n’a fait que baisser (- 5 % entre 2017 et 2018). Le bilan de cette baisse de vitesse est également contreproductif en matière de sécurité routière.

 

  1. Ces autres pays européens qui roulent au moins à 90 km/h et qui ont une mortalité routière faible

Dans le classement des meilleurs pays en termes de sécurité routière (graphique)5, le Royaume-Uni (1er) et l'Irlande (3ème), respectivement 28 et 31 morts par million d’habitants, permettent aux automobilistes de rouler à près de 100 km/h sur routes secondaires. Devant la France (13ème - 48 morts par million d’habitants) se trouvent 5 autres pays dont les routes secondaires sont limitées à 90 ou 100 km/h et qui figurent parmi les meilleurs élèves de la sécurité routière en Europe : Allemagne : 100 km/h ; Espagne : 90 km/h ; Slovénie : 90 km/h ; Autriche : 100 km/h ; Slovaquie : 90 km/h. Comme quoi, une vitesse plus faible ne garantit pas une mortalité routière plus faible.

Classement morrtalit europenne
Graphique. Nombre de morts par million d'habitants par pays européens en 2018 5

 

  1. Le 80 km/h favorise les pertes de points et de permis de conduire dont les conséquences sont désastreuses

Au mois de juillet 2018, le nombre de flashs a été multiplié par 2,1 par rapport à l’année précédente. Cela concourt à la perte de points et finalement du permis de conduire. Comme 7 français sur 10 utilisent quotidiennement leur véhicule pour aller travailler, in fine c’est le conducteur qui en pâtit. Et les conséquences professionnelles peuvent être terribles comme le souligne Marie-Thérèse Giorgio, médecin agréé pour les permis de conduire : « Les conséquences de cette perte du permis de conduire, c’est la perte de l’emploi […], l’employeur licencie la personne puisqu’elle ne peut plus remplir son contrat de travail ».

 

  1. Le 80 km/h constitue un risque de régression pour l’économie et l’aménagement du territoire

Jean Poulit, initiateur de l’opération Bison Futé, estime qu’une diminution de la vitesse sur les autoroutes (de 130 à 120 ou 110 km/h), les routes (de 90 à 80 km/h) et en ville (de 50 à 30 km/h) pourrait entraîner « une réduction du produit intérieur brut de 1,94 %, soit de 39,55 milliards d’euros par an »6. Or le passage à 80 km/h décidé le 9 janvier 2018 concerne le réseau secondaire qui représente 400 000 km de routes. L’impact de cette mesure pourrait donc être très important.

 

  1. Le 80 km/h devait réduire la pollution mais il y a une absence de lien systématique entre abaissement de la vitesse et réduction de la pollution

L’argument écologique de lutte contre la pollution avait aussi été avancé par les décideurs du 80 km/h. Pourtant, lors de l’expérimentation d’un an d’abaissement de la vitesse sur la rocade de Rennes, la qualité de l’air, les conditions de circulation et l’accidentalité ne se sont pas améliorées. La métropole rennaise a donc décidé de relever la vitesse sur les routes concernées.

 

  1. Le 80 km/h entraîne des changements de vitesse incessants qui perdent les conducteurs

Le trajet entre Dijon et Beaune via la D974, illustre parfaitement les variations incessantes de la vitesse réglementaire. Cet exemple illustre un phénomène aggravé par le 80 km/h : une multiplication de la signalisation et l’illisibilité des échelons de vitesse pour l’usager de la route. Ses 36 kilomètres comportent 42 modifications de limitation de vitesse, soit un changement tous les 860 mètres ou toutes les 39 secondes. Le levier de vitesse va en devenir fou !

 

  1. Explosion du nombre de panneaux avec le 80 km/h : l’attention des conducteurs détournée !

La mise en place du 80 km/h s’est accompagnée d’une augmentation du nombre de panneaux de 20 000 unités qui contribue à détourner un peu plus l’attention du conducteur et à complexifier la lecture de l’environnement de conduite. Le regard du conducteur sera davantage focalisé sur la lecture des panneaux supplémentaires plutôt que sur la route. Résultat ? Le conducteur ne sait plus où donner de la tête et se fait piéger par les radars malgré sa vigilance. Tout cela au détriment de la sécurité de tous sur les routes donc…

 

  1. Des alternatives réellement efficaces existent

Un meilleur entretien des routes

81 % des Français qui sont défavorables aux 80 km/h, voient dans l’entretien des routes une priorité pour faire baisser la mortalité routière3. D’ailleurs, en 2011, la qualité des routes françaises figurait en pole position (sur 140 pays) du classement mondial établi par le World Economic Forum ; en 2015, elle était à la septième place ; et en 2017, elle tombait à la 12ème place. Les routes françaises se dégradent faute d’entretien. Compte tenu de l’importance de l’état du réseau routier dans la sécurité des conducteurs, il serait de bon ton de remédier à ce défaut d’entretien pour faire baisser durablement le nombre de morts sur les routes.

Le développement des Enquêtes comprendre pour agir (ECPA)

Il est essentiel que toutes les causes d’accidents soient identifiées pour véritablement y remédier. À cet effet, depuis le 7 juillet 2004, les « Enquêtes comprendre pour agir » permettent de mieux comprendre les raisons d’un accident. Elles devraient se multiplier pour déterminer avec précision les facteurs qui entraînent un accident et enfin faire émerger l’idée que la vitesse est loin d’être le seul facteur responsable d’un accident.

La formation des conducteurs et la prévention

Il apparaît nécessaire de développer et d’encourager les formations post-permis. Celles-ci ont fait leurs preuves en permettant de réduire la mortalité des jeunes conducteurs en Autriche et en Finlande.

En 2017, en France, au moins un des conducteurs était alcoolisé dans 30 % des accidents mortels. Compte tenu des graves conséquences des comportements à risque comme la consommation d’alcool, l’usage de stupéfiants ou l’endormissement sur la conduite, il serait souhaitable que davantage de campagnes d’information à destination du grand public soient réalisées à ce sujet. Elles auraient davantage d’impact qu’un PV électronique issu d’un radar automatique ne faisant preuve ni de pédagogie, ni d’humanité…

La promotion de l’innovation technique

L’amélioration technique des véhicules et des infrastructures routières constitue un important facteur de sécurité qui concourt notamment à la diminution des distances de freinage, à une tenue de route plus sûre et à la réduction du risque d’aquaplaning notamment.

 

À travers de nombreux témoignages, une multitude d’arguments et de statistiques, la Ligue de Défense des Conducteurs a porté le combat pour un retour au 90 km/h sur les routes de France auprès des Présidents de Conseils départementaux pour faire du 90 la règle et du 80 l’exception.

 

1 2.142.057 signatures au 13 février 2018.

2 Observatoire de la vie quotidienne des Français : les Français et la limitation de vitesse à 80 km/h, étude BVA,  9 mai 2018.

3 Un an après son entrée en vigueur, que pensent les Français de la limitation à 80 km/h ? Enquête Quel-Assureur.com, juin 2019.

4 Article 15 bis B du Projet de loi d’orientation des mobilités, modifié par l’Assemblée nationale en première lecture, 18 juin 2019.

5 Commission Européenne, 2018 road safety statistics: what is behind the figures?, 4 février 2019.

6 La Tribune, Poulit (Jean), « Réduire les limitations de vitesse, c’est freiner la croissance et l’emploi », 6 janvier 2014.