Et si on rendait légaux tous les ralentisseurs qui ont été construits sans respecter la réglementation ? Même si la sécurité routière est perdante, même si ces dispositifs hors normes provoquent accidents corporels et matériels, entre autres nuisances ? C’est le projet révoltant qui est actuellement dans les tuyaux du gouvernement. Ne laissons pas faire !
C’est notre partenaire de longue date, Pour Une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD) avec qui nous luttons main dans la main contre les ralentisseurs illégaux, qui a mis la main sur cette information. Lisant la réponse ministérielle du 1er juillet 2025 à la question écrite de la députée Annaïg Le Meur (n°7273 du 3 juin 2025), l’association a découvert que l’État y annonce son intention de régulariser a posteriori des dispositifs non conformes et dangereux, plutôt que de remettre à plat une politique d’implantation historiquement défaillante…
Pourquoi cette manœuvre ? Pour couvrir les fautes et les responsabilités commises à tous les niveaux par les acteurs (fonctionnaires, élus, entreprises de BTP) impliqués dans la construction de ralentisseurs en s’affranchissant, en toute impunité, des conditions d’implantation précisées dans le décret 94-447 du 27 mai 1994.
Dans un communiqué de presse commun avec PUMSD, la Ligue de Défense des Conducteurs a aussitôt dénoncé « une faute politique, une incompétence notoire mais aussi une possible non-assistance à usagers en danger, face à des installations à risque, signalées depuis des années ».
Pour démontrer cette réalité tragique que les décideurs semblent vouloir ignorer, PUMSD a recensé les accidents graves directement liés à ces ralentisseurs non conformes (et reconnus comme tels par la justice), ces dix dernières années. La liste est dramatiquement longue :
2015 : accident mortel dans le Var d’un piéton de 91 ans ;
2016 : accident corporel à Toulon dans le Var d’un motard de 58 ans ;
2021 : accident mortel dans le Jura d’une femme de 42 ans ;
2022 : accident mortel en Moselle d’une femme de 52 ans ;
2022 : accident corporel à Paris d’une femme cycliste avec handicape permanent d’un membre inférieur ;
2023 : accident corporel en Seine-et-Marne d’un motard avec un handicap cérébral permanent de 82 % ;
2023 : accident corporel dans le Var d’un motard de 63 ans avec handicape définitif d’un membre inférieur ;
2024 : accident corporel dans l’Essonne d’un cycliste avec de lourdes blessures aux membres supérieurs ;
2024 : accident corporel en Savoie d’un motard de 62 ans avec de lourdes blessures à la jambe (multiples fractures + 63 agrafes) ;
2024 : accident corporel dans l’Ain d’un cycliste de 69 ans avec de lourdes séquelles cérébrales et physiques ;
2024 : accident corporel dans les Alpes-Maritimes d’une cycliste de 22 ans avec de très lourds traumatismes au visage (18 points de sutures au visage, mâchoire et dents cassées) ;
2024 : accident corporel dans les Alpes-Maritimes d’une motarde de 30 ans avec blessures sévères aux jambes ;
2024 : accident mortel en Seine-Saint-Denis d’un homme de 67 ans circulant en scooter ;
2025 : accident corporel dans les Bouches-du-Rhône de deux cyclistes dont un est désormais tétraplégique…
Par ailleurs, nous rappelons que notre étude « Ralentisseurs illégaux : + d’accidents, + d’impact sur l’environnement, + de carburant, + d’inconfort, + de bruit », publiée en 2022, toujours en partenariat avec PUMSD, a identifié et chiffré toutes les nuisances de ces dispositifs, dont les dérives se sont effectuées au mépris de l’environnement, de la santé publique et du climat :
- + 25 % de pollution atmosphérique (surconsommation de carburant) ;
- + 27 % d’émissions de CO₂ et autres gaz à effet de serre ;
- + 300 à + 1 000 % de particules fines (freins, pneus, gaz) ;
- 8 x plus de nuisances sonores et de vibrations pour les riverains ;
- Une perte financière immobilière de 20 à 25 % de la valeur d’une habitation proche ;
- Entrave et ralentissement important des services de secours d’urgence, provoquant une « perte de chance » en cas d’AVC ou d’infarctus.
Antonin Morelle, président de PUMSD, pointe parallèlement l’atteinte grave à l’État de droit que pourrait créer cette « régularisation » des ralentisseurs illégaux : « Modifier aujourd’hui la réglementation dans le seul but de régulariser artificiellement des dispositifs non conformes constitue une atteinte grave à la sécurité juridique. Un tel changement, dicté par des considérations politiques et budgétaires, créerait une complexité inutile dans l'application des règles, tant pour les collectivités territoriales que pour les entreprises de travaux publics, mais aussi pour les usagers de la route et les associations qui les défendent. Surtout, cela reviendrait à vider de sa substance une jurisprudence désormais bien établie, que le Conseil d’État a confirmée dans sa décision du 27 mars 2025 (CE, 2e ch. jugeant seule, 27 mars 2025, n° 495623). En tentant de contourner cette décision par voie réglementaire, le gouvernement compromet l’autorité normative du juge administratif, fragilise la confiance dans le droit applicable, et porte atteinte – indirectement mais réellement – à l’indépendance des juridictions administratives, pourtant constitutionnellement protégée. »
À la LDC, nous savons que les élus locaux recherchent des solutions concrètes pour faire baisser la vitesse dans leurs communes. Mais le cadre réglementaire pour l’implantation des ralentisseurs existe déjà : pourquoi aller réinventer la roue ? Aujourd’hui, le bricolage administratif auquel le gouvernement veut procéder avec son projet (qui prendrait la forme d’un arrêté si l’on en croit la réponse à la question de la députée) s’apprête à blanchir toutes les dérives, par le biais d’une amnistie déguisée de tous ceux qui les ont laissées pulluler. Quelle scandaleuse désinvolture !
Aussi, nos deux associations exigent-elles légitimement « l’abandon immédiat de ce projet d’arrêté visant à mettre en danger les usagers des routes, ainsi que l’application systématique des conditions régissant l’implantation des ralentisseurs décrites dans le décret 94-447 de 1994 ». Nous vous tenons évidemment au courant de l’évolution de ce dossier.