Taxe sur le poids : tout simplement un impôt de plus

Selon le quotidien Les Echos du 25 septembre*, Bercy a posé son veto : pas question de taxer les voitures en fonction de leur poids. Le projet de loi de finances 2021, qui sera bouclé à la fin du mois, fera fi de cette proposition initiée par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Pour autant, toujours selon Les Echos, cette dernière ne renonce pas et intégrera bien cette suggestion dans son projet de loi "climat", qu'elle dévoilera fin 2020. La Ligue de Défense des Conducteurs s'insurge contre la menace de cet énième recours au porte-monnaie des automobilistes.

De longue date on a associé l’automobile en France à une vache à lait. On peut carrément parler de corne d’abondance. Pour l’Etat bien sûr ! 20 % de TVA sur l’achat d’une voiture neuve, 65 % de taxes sur un litre de carburant, jusqu’à 10 000 € de malus si la voiture que vous souhaitez acquérir a le malheur d’émettre ce qu’émettait en CO2 un gentil Scénic des années 2000 : hé bien ce n’est manifestement pas suffisant ! Voici qu’est évoquée une taxe sur le poids. Dans l’absolu, l’idée n’est pas forcément saugrenue. Les Japonais y ont d’ailleurs pensé dès les années 1950, c’est dire le peu de réactivité et de créativité de notre gouvernement. Seulement au Japon, au lieu d’ajouter encore des taxes à des taxes à des voitures déjà taxées, on accorde plutôt des avantages fiscaux si on choisit une petite voiture légère, sans pour autant alourdir la note des voitures volumineuses. Vous saisissez la nuance… de poids ?

Si, comme c'est envisagé, une taxe sur le poids devait intervenir dès que la masse d’une voiture atteint 1,4 tonne - il faudrait alors payer 10 euros par kilo supplémentaire -, cela pénaliserait d’emblée les modèles les plus rentables des constructeurs français, et en particulier le duo 3008-5008 de Peugeot. 5008 dont Gérald Darmanin, actuellement ministre de l'Intérieur, vient au passage de commander 600 exemplaires pour la police. Ces voitures sont donc potentiellement surtaxées pour leur poids et d’emblée considérées comme peu vertueuses par l’Etat. Bravo, encore une fois, pour la cohérence… Toujours est-il que les ventes des best-sellers de Peugeot, entre autres, en pâtiraient. Cela participerait par ailleurs à la paupérisation du marché français, et à la baisse de la compétitivité des marques nationales hors de nos frontières : cette volonté pathologique, affichée depuis des décennies, d’empêcher les gens en France d’acheter des voitures de luxe et/ou de grand gabarit fait d’ailleurs qu’aujourd’hui, il n’y a plus un seul vrai haut de gamme chez les constructeurs tricolores, et qu’ils sont absents de tous les marchés du luxe de la planète : zéro voiture vendue aux Etats-Unis, des scores misérables en Chine et au Japon. Ces marchés, les trois plus gros du monde, font les choux gras des constructeurs allemands, japonais et coréens (en Chine et aux Etats-Unis mais pas au Japon pour ces derniers).

Bien évidemment, un lever de bouclier va inciter le gouvernement, si cette idée est entérinée, à agir prudemment dans un premier temps. Le seuil sera peut-être fixé par exemple à 1,8 tonne. Mais c’est justement mettre le pied à l’étrier : tout comme le malus est revu une fois par an au minimum pour taxer toujours davantage les automobilistes (et ce n’est pas terminé, c’est d’ailleurs encore un autre sujet d’énervement), le seuil de la masse d’une voiture qui engendrera une sur-surtaxe pourra être abaissé ensuite sans problème, en toute facilité, en toute discrétion et, probablement, sans aucune contestation. On attend d’ailleurs toujours la réaction des patrons de PSA et de Renault à l’annonce de ces mesures qui les pénalisera. On peut donc imaginer qu’assez rapidement, ce seuil sera progressivement abaissé aux 1 400 kg escomptés au départ. Penser le contraire serait faire preuve d’une grande naïveté.

Cette mesure a bien évidemment un double objectif pour le gouvernement : s’acheter une bonne conduite auprès des écolos anti-bagnoles qui, eux-mêmes, ne savent pas de quoi ils parlent, et faire entrer toujours plus d’argent dans les caisses. Et voilà, au passage, comment on peut annoncer que les impôts n’augmenteront pas malgré la crise liée au Covid-19… mais comment on prélève malgré tout toujours davantage au contribuable, et plus spécifiquement au conducteur. Objectif double pour le gouvernement, certes, mais sans aucun avantage pour le consommateur : on l'incite fortement à renouveler sa voiture pour préserver l’économie, mais on le brime et le surtaxe toujours plus lorsqu'il le fait (sauf s’il souhaite acheter une électrique à la polyvalence limitée et dont la décote sera vertigineuse). La démagogie file bon train en temps de crise.

* https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/nouveau-malus-auto-le-veto-de-bercy-1248836