Un véhicule autonome tue un piéton : rendre le conducteur passif accroît les risques sur la route *

Un véhicule autonome vient de renverser un piéton aux États-Unis. Ce décès montre que la présence d’un conducteur responsable et ayant un accès rapide aux commandes est incontournable. Ce triste événement nous rappelle aussi que la conduite exige observation de l’environnement, anticipation et adaptation aux conditions de conduite. En effet, cette voiture en mode autonome possédait un chauffeur de secours qui n’a, semble-t-il, pas réagi.

Sur un axe routier à quatre voies, une femme qui poussait un vélo en dehors d’un passage piéton, a surgi, vers 22h, d’une portion mal éclairée de la route, devant un véhicule autonome qui l’a tué. La scène a eu lieu à Tempe dans l’Arizona, un Etat qui autorise l’expérimentation de véhicules autonomes, qu’un conducteur soit présent ou non à bord pour suppléer une défaillance de décision de la machine.

Si les responsabilités restent à déterminer, cette situation invite à réfléchir aux défis qui se posent à la conduite autonome et, partant, à considérer la complexité de la conduite et le rôle essentiel du conducteur.

À ce sujet, la Ligue de Défense des Conducteurs avait, il y a quelques mois demandé une formation continue du conducteur aux aides à la conduite, afin qu’il sache utiliser au mieux son véhicule et qu’il soit apte à reprendre le volant en cas de danger. Qui plus est, dans le cas d’un véhicule autonome. En effet, il faut, en moyenne, 4 secondes à un conducteur de secours pour remettre les mains sur le volant en cas de danger. Or dans l’accident mortel dont il est ici question, il y avait une personne au volant mais elle n’a pas réagi : une vidéo de l’accident montre que la personne qui est sur le siège conducteur ce jour-là regarde notamment vers le bas ; aussi, lorsqu’elle redresse son regard vers la route, il est trop tard pour réagir efficacement.

Quoi qu’il en soit de l’attitude du chauffeur, le véhicule autonome, c’est-à-dire l’algorithme qui le guide, ne semble pas avoir freiné ni essayé d’éviter la victime. Les multiples capteurs qui équipent cette voiture n’ont donc pas mieux discerné l’environnement que le conducteur. Les dispositifs techniques destinés à remplacer le conducteur n’atteignent donc pas un niveau de capacité suffisant. Il est ainsi naïf de croire que confier la conduite à un robot supprimerait les accidents.

Au contraire, l’histoire des techniques incite à aborder avec discernement les apports et les risques de la conduite autonome. Les bénéfices sont patents dans certaines aides à la conduite. Quant aux risques, ils découlent d’un mode de perception et de réaction différent entre l’homme et la machine, cette dernière apprenant notamment par l’étude de nombreuses images. Une machine identifie ainsi difficilement la forme d’un vélo et les mouvements brusques d’un cycliste. Le fait que la victime poussait un vélo peut donc avoir constitué une difficulté supplémentaire pour sa détection.

Face à ces risques, la solution habituelle est la présence, à bord du véhicule autonome, d’un chauffeur de secours. Or la prochaine étape de l’autonomie est la suppression du volant et des commandes de frein. Diverses entreprises étudient donc un pilotage de secours à distance. Cependant, en cas de danger, cette méthode suppose un temps d’information et de prise de contrôle par le pilote situé à distance ; ce délai s’ajoute au temps de réaction d’un conducteur qui aurait été dans l’habitacle. Ce schéma suppose également un réseau de télécommunication rapide et infaillible entre le véhicule et le centre de secours… En outre, il est difficile d’envisager qu’à chaque voiture autonome soit associé un pilote à distance. Dès lors, comment imaginer que pareil fonctionnement puisse éviter les accidents ?

Dans l’attente d’une amélioration technique suffisante des véhicules robotisés, le conducteur est donc encore le plus apte à réagir, à condition qu’il ne soit pas rendu passif par certains modes de conduite. En effet, la passivité ruine les acquis de sa formation et de son expérience. Or un conducteur peut évaluer l’attitude d’un autre et même dialoguer avec lui par regard et par geste. Lorsqu’un événement suppose des capacités complémentaires à la connaissance du Code de la route, le conducteur reste ainsi le décideur le plus indiqué pour une réaction véritablement intelligente.

Avec cet accident mortel de véhicule autonome, la complexité de la conduite se manifeste cruellement. Les réflexes du conducteur doivent donc être entretenus par une observation attentive de l’environnement. Dans ces conditions, qu’il s’agisse d’une conduite humaine, aidée ou autonome, l’enjeu reste une adaptation aux conditions de circulation, et notamment à l’imprévu. Cela suppose une anticipation que seul peut actuellement fournir un conducteur expérimenté, attentif, et qui maîtrise les commandes du véhicule. La Ligue de Défense des Conducteurs rappelle donc que parmi les facteurs d’amélioration de la sécurité routière figure le conducteur. Il importe donc de favoriser toute formation susceptible d’entretenir et d’accroître ses aptitudes : la politique de sécurité routière ne saurait se réduire à l’actuelle surenchère répressive ; elle ne peut pas non plus se résumer à une croyance béate dans les bienfaits de la délégation de conduite à des machines