Circulaire anti-retour au 90 km/h : quand le gouvernement infantilise les présidents de département

Dans sa circulaire du 20 janvier, le ministère de l'Intérieur mobilise les préfets pour rappeler aux présidents de département le cadre légal à respecter pour relever la vitesse à 90 km/h. La Ligue de Défense des Conducteurs s'interroge : le gouvernement les prend-il pour des élus inexpérimentés, ou veut-il leur faire peur ? Ou les deux ?

 

Alors que dix-sept départements ont déjà annoncé leur décision de repasser tout ou partie de leur réseau routier à 90 km/h, comme les y autorise désormais la loi LOM et malgré les recommandations draconiennes de la Sécurité routière, le gouvernement s'évertue à contenir ce flot d'arbitrages sonnant comme autant de désaveux. Dernière tentative en date pour dissuader les élus locaux (même si le 80 km/h reste une expérimentation jusqu'au 30 juin prochain !), une circulaire émise le 20 janvier par le ministère de l'Intérieur, adressée aux préfets de département. Dix pages dans lesquelles ces derniers sont invités à retoquer la décision des départements de repasser à 90 km/h, en cas de non-respect de l'article L.3221-4-1* du code général des collectivités territoriales.

"Cette circulaire se résume à rappeler aux élus locaux qu'ils doivent respecter le formalisme de la loi… Comme s'ils ne le savaient pas," réagit Rémy Josseaume, avocat spécialisé en droit routier partenaire de la Ligue de Défense des Conducteurs. Nous ne sommes pas loin d'une ingérence du pouvoir exécutif dans l'application de la loi."

Certains départements s'entêtent à renoncer au 80 km/h ? Qu'ils assument en cas d'accident, sous-entend la circulaire : "Dans le cas où l'avis du collège de représentants de l'État est défavorable au relèvement alors que celui émis in fine par la Commission départementale de la sécurité routière est favorable, il est demandé qu'il soit fait "mention du désaccord de l'État […]." Cette requête est soulignée dans le document initial, c'est dire à quel point l'Etat tient à se déresponsabiliser, tout en rejetant la faute sur les élus locaux ! Et tout en retenant la vitesse comme facteur exclusif d'accident…

Me Rémy Josseaume conclut : "La circulaire n'y change rien : les présidents de département n'ont pas besoin du visa de la préfecture pour prendre leur décision. A aucun moment, leur responsabilité pénale ne pourra sérieusement être engagée, parce qu'ils ne font tout simplement qu'appliquer la loi". La Ligue de Défense des Conducteurs, elle, demande le retrait du 80 km/h, sans conditions.

 

*Pour rappel : Art. 1. 3221-4-1 du code général des collectivités territoriales. - Le président du conseil départemental ou, lorsqu'il est l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/h à celle prévue par le code de la route. Cette décision prend la forme d'un arrêté motivé, pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d'une étude d'accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées.

 

Contact Ligue de Défense des Conducteurs : Alexandra Legendre, responsable Pôle Etudes et Communication (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. / 0637852606)