On impose la voiture électrique à coups de taxes et d’obligations réglementaires

Subventions tous azimuts, annonces fracassantes de bascule dans le 100 % électrique, bourrage de crâne quotidien : on ne peut pas dire que l’État et les constructeurs ne redoublent pas d’effort pour convaincre les automobilistes à acheter des véhicules « zéro émission ». Mais à ce jour, plus de 90 % des acheteurs leur préfèrent les traditionnelles motorisations thermiques ou hybrides. Avec d’excellentes raisons, souligne Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs.

Note : cet article a été initialement publié le 24 janvier 2022 sur le site Capital.fr, où la Ligue de Défense des Conducteurs tient une tribune libre bimensuelle.

Comment prendre un gros coup de vieux en une seule phrase ? Invitée par RTL pour parler nouvelle flambée du prix des carburants, je découvre aux côtés d’Yves Calvi le député Matthieu Orphelin, ex-EELV et ex-LREM, qui m’explique que se mobiliser pour les automobilistes confrontés à cette nouvelle épreuve pour leur portefeuille, c’est vraiment vivre hors de son temps. Parce que son temps à lui, c’est celui de l’électrique. Élu dans le Maine-et-Loire, il connaît même « des gens qui font 100 kilomètres par jour aller-retour pour travailler et ça se fait très bien en voiture électrique ».

C’est super cool. Mais en attendant, 99 % des 38 millions de véhicules qui circulent en France ont toujours besoin de passer par la case station-service traditionnelle pour faire le plein d’essence ou de gazole (opération s’opérant, au passage, en une poignée de minutes seulement). La voiture électrique, peut-être qu’elle conviendrait à leur usage, peut-être pas. Mais surtout, tout le monde n’est pas un « trend setter » ni un « early adopter », comme on dit quand on est… branché. Cette motorisation, avec laquelle l’automobile est aussi née – la première voiture à franchir le 100 km/h en 1899, « La Jamais Contente », était électrique et aux États-Unis, sur 4 000 modèles fabriqués en 1900, 37 % roulaient au watt – ne convainc toujours pas l’immense majorité de la population, qu’un bon vieux moteur thermique (voire hybride) continue de rassurer. Alors les instances européennes tentent une nouvelle tactique depuis quelques années : imposer l’ère du 100 % électrique à tout un chacun à marche forcée, à coups de taxes et d’obligations réglementaires, comme bébé ferait pour introduire un cube dans le trou rond de son jeu des formes, à grand renfort de taloches.

Ce choix de technologie unique, édicté par une administration psychorigide, s’abrite derrière le fameux réchauffement climatique. Mais le sujet ici ne consiste pas à contester la vertu des véhicules électriques, par exemple en revenant sur la provenance exotique des batteries tant que nos gigafactories maison ne sont pas opérationnelles, ou sur l’origine de l’électricité, ou encore sur le nombre insuffisant de bornes de recharge. Je voudrais vraiment rester concentrée sur les acheteurs potentiels de ces véhicules, dont les réserves, si l’on en croit les pouvoirs publics, devraient sauter avec les subventions.

Il n’en est rien et vous qui vivez dans la vraie vie, vous le savez bien. Aussi généreuses soient-elles, les aides nationales et locales ne sont pas forcément suffisantes pour vous permettre d’acquérir ces véhicules qui coûtent, en moyenne 10 000 € de plus que leur équivalent thermique. La preuve ? Sur les plus de 6 millions de voitures d’occasion vendues l’an passé, plus de 44 % avaient 10 ans et plus. À cet âge-là, vous pouvez trouver une Clio essence à 3 000 €, affublée d’une respectable vignette Crit’Air 1. À comparer avec une Dacia Spring neuve (de catégorie inférieure et au rapport poids-puissance nous ramenant au temps de la 2CV), la moins chère des électriques, vendue 17 390 € hors bonus. Lesquels, tous additionnés (bonus CO2, prime à la casse, prime ZFE), peuvent faire descendre le prix de ce modèle à 7 500 € environ. Soit 2,5 fois plus cher que la Clio citée ci-dessus...

Autre inquiétude des acheteurs : alors que l’acquisition d’un véhicule diesel, « dans le temps », garantissait une satisfaisante valeur résiduelle, celle d’une électrique est bien plus angoissante. Une récente étude réalisée par L’Automobile Magazine évalue la décote moyenne des véhicules par énergie, pour les marques généralistes : comptez 35 % pour un modèle essence sur 3 ans, 44 % pour un diesel et… 55 % pour un électrique. Pour un prix neuf moyen de 20 000 € sur un petit modèle essence (une Clio est ici prise en exemple pour l’étude), votre voiture va perdre 7 000 € de sa valeur pendant cette période (sur la base de 30 000 kilomètres parcourus). Le prix moyen d’une électrique neuve équivalente (chez Renault, la Zoé) est, lui, de 27 000 € (après déduction de l’aide gouvernementale). Vous la revendrez, trois ans plus tard… 12 000 €, soit 1 000 € de moins que le modèle essence acheté 7 000 € moins cher. Au total, une perte 8 000 € supérieure à celle du modèle essence. Ça fait cher la transition écologique ! Pour se rassurer, nombreux sont les clients d’électriques qui choisissent la location longue durée ou la location avec option d’achat. Un « contre-sens climatique », puisque cette solution encourage au renouvellement rapide de ces voitures alors qu’elles fonctionnent encore parfaitement, engendrant un besoin de produire des véhicules neufs à rythme resserré. Il est au passage bon de rappeler ici que, lorsque l’on prend en compte le cycle complet de vie d’une voiture, en matière d’émissions de polluants, une électrique n’est plus vertueuse qu’un modèle thermique qu’au bout de 50 à 70 000 kilomètres parcourus.

La liste des « angoisses de l’acheteur » ne s’arrête pas là. Les constructeurs eux-mêmes sèment la confusion, avec des messages officiels à devenir schizophrènes. Exemple avec Carlos Tavares, patron de Stellantis (Peugeot, Citroën, DS, Opel, Fiat, Jeep…) qui, longtemps opposé à cette « mono-solution », verse désormais dans le pragmatique, avec une bascule dans l’électrique qui s’accompagne toutefois d’un inquiétant avertissement de « risque social », provoqué par un choix politique et non industriel (AFP, 19/01/2022). Des propos peu rassurants ! Des groupes tels que Toyota, Hyundai et BMW, dont les ventes sont bien mieux réparties sur la planète (pour rappel, l’Europe pro-électrique ne compte que pour 15 % du marché mondial…) s’avèrent moins radicaux et continuent à investir dans toutes les motorisations.

Alors que des dizaines de marques font leur coming out électrique à travers le monde (Peugeot, Mercedes, Volvo, Fiat, Ford, DS, Alfa Romeo, Mini, Lexus, Lotus…), nombre de sympathisants de notre association nous signifient leur volonté de conserver le plus longtemps possible leur rassurant véhicule essence ou diesel. Ce que confirme le parc automobile roulant, chaque année plus âgé. Le contraire de l’objectif visé pour purifier l’air que l’on respire.