Données tronquées ou passées sous silence : les constructeurs automobiles et réseaux de recharge doivent mieux informer les consommateurs sur les voitures électriques

Contrainte par l’Europe d’abandonner les moteurs thermiques d’ici à 2035, l’industrie investit des milliards dans la voiture électrique. Mais il faut surtout séduire les acheteurs, loin d’être tous convaincus par cette bascule technologique. Pour faire passer la pilule du prix ultra majoré, de l’autonomie réduite ou du temps de recharge décuplé, les marques automobiles délivrent les chiffres les plus favorables, tandis que les réseaux de distribution d’électricité, eux, optent le plus souvent pour l’opacité la plus totale de leurs tarifs aux bornes de recharge rapide. Un intolérable manque de transparence auquel la Ligue de Défense des Conducteurs, ayant identifié quatre failles très concrètes dans l’information des consommateurs, compte mettre fin, en saisissant les parlementaires pour que ceux-ci s’assurent de les combler au plus vite.

Flou artistique dans la communication des marques automobiles sur les batteries, le temps de recharge ou la garantie de leurs modèles, manque de transparence dans les tarifs de l’électricité délivrée aux bornes de recharge : non, les acheteurs de voitures électriques ne bénéficient pas des renseignements indispensables pour faire leur choix en toute connaissance de cause.

En l’occurrence, la Ligue de Défense des Conducteurs a listé quatre manquements flagrants à la transparence qui s’impose dans le cadre de transactions commerciales, qu’il s’agisse d’acquérir une voiture électrique ou de simplement faire le plein d’électricité dans les réseaux de recharge rapide. Outre les médias, notre association est actuellement en train d’alerter les parlementaires pour leur signaler ces failles.

« Les voitures électriques que l’Europe nous impose d’ici à 2035 ne répondent déjà pas aux attentes d’une large part des Français, ce n’est pas en délivrant des informations incomplètes ou trop favorables, voire en n’en délivrant pas, qu’ils changeront d’avis, déplore Nathalie Troussard, Secrétaire générale de la Ligue de Défense des Conducteurs. Il est nécessaire de s’assurer, par voie législative, que les professionnels donneront systématiquement les informations détaillées ci-dessous à leurs acheteurs. Il ne faudrait pas que ceux-ci se sentent arnaqués, parce que les prestations de leur véhicule ne correspondent pas à celles qui leur ont été présentées. Ce serait contre-productif pour tout le monde. » Notre association ne manquera pas de s’assurer que ses demandes légitimes soient rapidement satisfaites.

 

EXIGEONS PLUS DE TRANSPARENCE DE LA PART DES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES

1/Obligation légale d’informer les acheteurs sur le temps de recharge à 100 %

Dans l’immense majorité des cas, les acheteurs repartent avec une seule information concernant le temps de charge de leur nouvelle voiture électrique : le nombre de minutes nécessaire pour recharger à 80 % par une température extérieure de 20 degrés (ces données fluctuant selon la température). Or, il faut souvent autant de temps pour passer de 10 % (charge minimale le plus souvent citée) à 80 % que de 80 à 100 %. Par exemple, pour recharger une Renault Mégane e-Tech de 10 à 80 %, il faut 37 minutes (Source : Automobile-propre.com). Puis, de 80 à 100 %, 38 autres minutes… Cette donnée est importante lorsqu’on circule sur autoroute, puisqu’on roule plus vite (à 130 km/h, la consommation d’électricité augmente grandement et les clients en sont rarement conscients) et plus loin. Se priver de 20 % de recharge pour gagner ce long temps de charge au-delà de 80 % dégrade d’autant l’autonomie, ce qui débouche sur davantage d’arrêts pour « faire le plein ».

Ce que la Ligue de Défense des Conducteurs demande : En plus du temps de recharge à 80 % à 20 degrés, rendre obligatoire la communication du temps de recharge à 100 %, à température identique. Cette donnée permettra à l’acheteur de savoir si le véhicule – neuf ou d’occasion – est adapté à son usage (autoroute fréquente ou autoroute pour les vacances notamment).

2/Obligation d’indiquer la capacité batterie utilisable plutôt que la capacité totale

Tous les constructeurs ne communiquent pas la « capacité batterie » en kWh, qui serait l’équivalent de l’information « contenance du réservoir » pour les véhicules thermiques. Par ailleurs, ceux qui divulguent cette information le font souvent en donnant la capacité « brute », sachant que la capacité « utilisable » est en fait sensiblement inférieure. Peugeot ouvre la voie, annonçant avec transparence par exemple pour son e-208 2023 une batterie dont la « capacité brute [est] de 51 kWh pour 48,1 kWh utilisables ». L'information est d'importance, car sur autoroute on ne recharge généralement que de 10 à 80 % de cette capacité utile pour ne pas perdre trop de temps, soit 70 % de la capacité réellement utilisable dans cet usage.

Ce que la Ligue de Défense des Conducteurs demande : rendre obligatoire l’information « capacité batterie utilisable » en kWh, permettant de déduire l’autonomie réelle utilisable.

3/Obligation de communiquer clairement sur la garantie vieillissement de la batterie

Acheter une voiture électrique, c’est bénéficier de deux garanties : l’une sur le véhicule (courant sur 2 à 7 ans selon les marques, avec ou sans kilométrage limité), l’autre sur la batterie. Pour cette dernière, la garantie la plus courante est la suivante : au terme de 8 ans d’utilisation ou 160 000 km, la capacité « résiduelle » garantie est de 80 % de la capacité initiale. Mais les termes précis de cette garantie ne sont pas obligatoirement publiés, alors qu’ils sont déterminants, surtout lorsqu’on achète sa voiture électrique d’occasion.

 

Ce que la Ligue de Défense des Conducteurs demande : un engagement contractuel des constructeurs, stipulant par exemple : « La batterie de votre [marque et modèle] est garantie [x] années, [xxx xxx] kilomètres et pour [xx %] de batterie ». L’idéal étant évidemment que ce pourcentage soit communiqué sur la capacité de batterie utilisable.

 

EXIGEONS PLUS DE TRANSPARENCE DE LA PART DU RÉSEAU DE BORNES DE RECHARGE

4/Obligation d’affichage du prix « normal » du kWh dans les points de vente

Selon l’abonnement, la négociation du constructeur de son modèle avec les différents réseaux…, le prix du kWh peut varier énormément. En revanche, il est quasiment impossible pour l’automobiliste de savoir combien il va payer lorsqu’il se présente à une borne de recharge (à l’exception notable du réseau e-Vadea et de quelques initiatives récentes, notamment d’Engie). Certains proposent certes de se connecter à un site via un QR code sur la borne et en fouillant dans la page web ainsi obtenue, il est possible de trouver quelques tarifs… Mais concrètement, connaître le prix du kWh en amont du « plein » est très compliqué. Enfin, en plus du prix du kWh, il faut souvent attendre sa facture une fois par mois pour savoir combien a coûté le « plein ».

Ce que la Ligue de Défense des Conducteurs demande : lorsqu’on fait le plein d’essence ou de gazole, on trouverait inadmissible que le prix TTC du litre de carburant ne soit pas clairement affiché, que ce soit sur des « totems » en amont des pompes ou sur les pompes elles-mêmes. Tout comme de ne pas connaître le montant du plein que l’on vient d’effectuer… Il faut donc rendre obligatoire l’affichage du prix TTC en euros du kWh sur l’écran des bornes de recharge, mais également l’affichage en euros du montant total de la recharge effectuée, apparaissant lui aussi sur la borne.

Nos exigences en résumé :

1/Obligation légale d’informer les acheteurs sur le temps de recharge à 100 %

2/Obligation d’indiquer la capacité batterie utilisable plutôt que la capacité totale

3/Obligation de communiquer clairement sur la garantie vieillissement de la batterie

4/Obligation d’affichage du prix « normal » du kWh dans les points de vente