L’étude que le gouvernement voulait nous cacher

Avec des radars toujours plus nombreux et plus redoutables, les autorités accroissent leur puissance de contrôle et de sanction automatiques des conducteurs. En retour, ces derniers manifestent une défiance croissante envers cette politique du tout radar qui tourne au carcan. Une étude a mesuré ce ras-le-bol en 2018… mais l’État s’est bien gardé de la diffuser.

Sûr qu’il fallait mieux l’enterrer sous une pile de dossiers, cette « Enquête sur le rapport à la règle chez les automobilistes français »[1]. Publiée fin 2018, elle n’apparaît que très discrètement dans le bilan de l’accidentalité en France de 2019, dans une note en bas de page… Car si notre gouvernement espérait pouvoir en exploiter les résultats pour mettre en avant l’adhésion de nos concitoyens à sa politique de sécurité routière, c’était complètement raté.

Efficacité du tout-répressif : le pipeau qui ne passe plus

En effet, il ressort de cette étude de l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux) que nos concitoyens ont de plus en plus de doutes quant au bien-fondé du tout répressif. Ainsi, ils ne sont plus que 54 % à avoir une bonne opinion des radars, dont ils jugent favorablement le rôle dans la réduction du nombre d'accidents. Alors que dix ans plus tôt, ils étaient 77 % ! Logique : à force de se faire flasher à tout-va et de payer des contraventions, pour le moindre kilomètre-heure supérieur à la limitation de vitesse, les Français finissent par comprendre que sous couvert de sécurité routière, ils sont simplement bons à remplir les caisses de l'État. La machine à communiquer commence à se gripper : il ne suffit plus de répéter à l’envi que cette répression systématique est mise en place uniquement pour notre bien... Les membres de notre association, eux, l'avaient compris depuis longtemps.

9 Français sur dix demandent de la souplesse dans l’application des règles

Mais au-delà de l'injustice ressentie, c'est l'acceptabilité même de l'actuelle politique de sécurité routière que les résultats de cette étude mettent à mal : si 9 Français sur dix estiment que les règles sont utiles, ils attendent plus de souplesse dans leur application. Le point de vue des répondants est frappé au coin du bon sens : 82 % estiment par exemple qu’il vaut mieux rouler à la même vitesse que le flux de voitures que de se conformer scrupuleusement aux limitations légales. C'est énorme ! Ils sont même 96 % à avoir « conscience que le respect seul des règles n’est pas suffisant pour garantir la sécurité et qu’il faut toujours maintenir son attention en conduisant. »

Vitesse : les radars largement perçus comme des « pompes à fric »

Si l'on se concentre sur le seul contrôle de la vitesse, le scepticisme des personnes consultées dans le cadre de cette étude ressort tout particulièrement. On apprend en effet que « 43,3 % des personnes interrogées estiment que les radars de vitesse ne sont pas équitables […]. Ils sont relativement nombreux (49 %) à penser que les radars sont placés à des endroits qui ne sont pas dangereux. » Enfin, « 72,4 % des répondants considèrent les radars comme des "pompes à fric". » Le constat est sans appel : « Plus les conducteurs pensent qu’il est difficile de toujours bien respecter les règles, moins ils vont les respecter », analysent les auteurs de l'étude. Nous ne l'aurions pas mieux dit.

4 700 radars et une pétition pour les contrer

La conclusion de cette étude officielle pourrait être écrite par la Ligue de Défense des Conducteurs. Elle ne préconise rien moins qu'une sortie « de la logique répressive en cherchant simplement à faciliter le comportement vertueux » ! Nous en sommes loin, malheureusement : au 1er mars 2021, on comptait 4 219 radars automatiques en ordre de marche en France[2]. Ce qui signifie que pour atteindre les 4 700 radars annoncés pour la fin 2021, près de 500 cabines en plus vont venir encore fleurir sur nos routes. Et pendant ce temps-là, les voitures-radars privatisées se déploient, elles aussi prometteuses de juteuses retombées financières pour l’État…

Nous, citoyens, sommes en droit d’attendre que le gouvernement tire toutes les conclusions de cette étude qui lève le voile sur le rejet de l’actuelle politique de sécurité routière. Pour le motiver, n'oubliez pas, nous avons besoin de vous : signez et partagez notre pétition au Premier ministre « Marre des radars », qui a déjà recueilli 120 000 signatures. Vous aussi, portez votre parole à Matignon et militez pour une politique de sécurité routière qui revienne aux principes qui sauvent des vies sur la route.

 

[1] Julien Cestac, Laurent Carnis, Jean Pascal Assailly, Chloé Eyssartier, Cédric Garcia, Enquête sur le rapport à la règle chez les automobilistes français, IFSTTAR, 2018, p. 54

[2] Ministère de l’intérieur, réponse à la question écrite no 24462 du député Alain Bruneel, 6 avril 2021