Le top 5 des pires mesures du « quinquennat » d’Emmanuel Barbe

Ces cinq dernières années, en matière de politique de sécurité routière, il ne s’est quasiment pas passé de jour sans que nos cheveux se dressent sur la tête. Celui qui incarne ces décisions ubuesques, depuis sa nomination en avril 2015, c’est incontestablement Emmanuel Barbe, le délégué interministériel à la sécurité routière, dont la mission s’arrête enfin puisqu’il vient d’être nommé préfet de police des Bouches-du-Rhône. Pour vous, la Ligue de Défense des Conducteurs a dressé un palmarès des 5 pires souvenirs que cette période nous a laissés.

 

1) Le 80 km/h généralisé

S’il y avait un top 50, cette décision-là resterait en tête de classement quoi qu’il arrive ! À l’heure où chacun a son avis sur les effets du 80 km/h, la seule pagaille que son annonce a créée depuis 2018 suffirait à souhaiter un retour au 90 km/h. Le pays est divisé, et pas seulement chez les particuliers : les présidents de département aussi, depuis qu’ils ont le droit de repasser certains tronçons de routes à 90 km/h. Les autres axes restent à 80 km/h s’ils ne remplissent pas les recommandations draconiennes dictées par le Conseil national de la sécurité routière. Pour le conducteur, cela ajoute de l’incertitude sur la limitation de vitesse à suivre, notamment quand il passe d’un département à l’autre au cours de son trajet car la même route peut changer de vitesse en fonction du département. 80-90-80-90, voilà la nouvelle façon de se distraire au volant, c’est pourquoi le « 80 » est la mesure étendard du quinquennat Barbe dont on aurait vraiment pu se passer.

2) Les PV pour non désignation de conducteur : de 450 à 1875€

Au rayon des « innovations », celle-là a surpris plus d’un travailleur individuel : le 1er janvier 2017, sont apparus les PV pour non-désignation de conducteur. Ils obligent l’employeur qui ne dispose pas de salarié mais qui, lors de son activité professionnelle, a commis une infraction routière, à se désigner lui-même comme conducteur. Sinon, au lieu d’un seul PV, il en reçoit un second, beaucoup plus cher que le premier… Imaginez l’artisan, à la fois patron et unique employé, souvent sur les routes. Quand un PV se présente, il le règle au plus vite sans penser à s’auto-désigner comme conducteur de son véhicule, par évidence. Le PV pour « non désignation de conducteur » arrive donc… Et là, c’est le choc : le tarif débute à 450 euros (montant minoré) ; puis rapidement c’est 675 euros (montant forfaitaire) et enfin, 1 875 euros (montant majoré) ! Un montant qui fragilise les situations déjà précaires. Pour toutes ces raisons, ce nouveau PV méritait de figurer sur le podium des mauvais souvenirs.

3) La « privatisation » des voitures radars

Dans le genre « imprévu sur la route », il y a ces radars sur roues, qui plus est confiés au privé ! Apparues en 2013, les voitures radars étaient d’abord conduites par deux membres des forces de l’ordre. Puis, pour augmenter le temps d’utilisation quotidien de chacun de ces véhicules, l’idée est venue au gouvernement d’automatiser ces radars et de confier leur conduite à des entreprises. L’employé est chargé de sillonner une région le jour comme la nuit. Or ces voitures banalisées sont munies d’un flash infra-rouge donc indétectable ! De quoi engendrer de nombreux PV… Et cette privatisation se diffuse de région en région : de la Normandie en 2018, elle gagne trois nouvelles régions (Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val-de-Loire) en ce début d’année ; et d’ici la fin 2020, quatre nouvelles régions seront concernées… Voilà des machines dont le passage laissera des traces dans les mémoires.

4) Un programme radar survitaminé

Après le très controversé 80 km/h, les incompréhensibles PV pour non désignation et les piégeuses voitures radars,  Emmanuel Barbe, c’est aussi la tête de gondole d’un programme radar survitaminé ! Radars de chantier ou « autonomes » (juillet 2015), radars double sens (septembre 2015), radars double-face (2017), et radars tourelles (2018), tous sont nés pendant le règne du futur préfet de police des Bouches-du-Rhône. Il aura participé à l’éclosion d’un arsenal répressif tentaculaire ! Et tout ce beau monde aura engendré un sacré paquet de PV. Entre 2015 et 2019, les radars automatiques auront adressé plus d’une centaine de millions de messages d’infraction ! Rien que pour ces chiffres gigantesques et la politique de répression routière mise en place, on retiendra le nom de ce sacré délégué interministériel à la sécurité routière.

5) L’extension des cas de vidéoverbalisation

La couleur a été annoncée dès 2015 : l’intention du gouvernement était clairement d’ « étendre le nombre des infractions pouvant être constatées sans interception en bord de route (vidéoverbalisation, ou radar automatisé avec envoi d’une contravention) » [1]. Cette volonté s’est rapidement traduite dans les faits. Entre 2016 et aujourd’hui, le nombre d’infractions qui peuvent être sanctionnées par la vidéo est passé de 4 à une quinzaine. Parallèlement le nombre de villes capables de verbaliser avec des caméras est passé de 50 en 2015 à 212 en 2019 [2]. Souriez, vous êtes filmés !

 

Compte tenu de ce bilan des cinq dernières années, l’important n’est pas aujourd’hui de savoir qui sera le prochain délégué interministériel à la sécurité routière. Pour la Ligue de Défense des Conducteurs, l’essentiel est de savoir si la politique en la matière va rester marquée par le tout-radar ou si elle va mettre l’accent sur la formation du conducteur pour améliorer la sécurité de tous sur la route. Sans vouloir paraître pessimiste ni faire de procès d’intention, nos espérances restent faibles.

 

[1] Comité interministériel de la sécurité routière, 2 octobre 2015, mesure no 6, dossier de presse, p. 7.

[2] Clément Raoul-Réa et Sandrine Darré, « Vidéo-verbalisation : ne vous faites pas piéger », Auto Plus, no 1616, 23/08/2019, p.43.