Recettes des radars : en hausse, mais toujours aussi peu affectées à la sécurité routière

Trop « complexe, peu lisible et non conforme aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ». L’analyse du Compte d’affectation spéciale lié aux recettes du contrôle routier par la Cour des comptes est sévère. Impossible par exemple d’identifier clairement la part des recettes des amendes qui est affectée à des actions de sécurité routière. Un scandale qu’à la Ligue de Défense des Conducteurs, nous dénonçons depuis plusieurs années.

L’argent des radars est-il vraiment réinvesti dans des actions de sécurité routière ? Mystère. C’est en substance la polémique soulevée par l’analyse de l’exécution budgétaire de la Cour des comptes, parue début juillet 2022. Car si les recettes des amendes forfaitaires des radars non majorées atteignent 655 millions d’euros en 2021, en hausse de 18 % par rapport aux 553 millions encaissés en 2020, l’honorable institution critique sévèrement l’usage qui est fait de cet argent et le manque de transparence.

« Aucun fléchage vers des dépenses liées à la sécurité routière »

Dans son viseur, le Compte d’affectation spéciale (CAS), stipulant notamment qu’une dépense spécifique est couverte par une recette elle aussi spécifique. Crée en 2006, celui portant sur le « contrôle de la circulation et du stationnement routier » afin de s’assurer que les recettes des radars étaient prioritairement investies dans la sécurité routière, son ambition vertueuse a fait long feu, estiment les Sages. Dans leur analyse, ceux-ci notent en premier lieu que seulement 82 % des recettes des amendes ont bel et bien été affectées au CAS.
C’est ensuite que ça se complique : la Cour des Comptes semble avoir le plus grand mal à identifier les crédits réellement affectés à des actions de sécurité routière. Si elle annonce que 62 % des dépenses engagées par le CAS y étaient consacrées l’an passé, en réalité c’est le flou : « l’exécution des crédits délégués aux départements n’est pas, ou est peu contrôlée. Si ces crédits ne représentent qu’un très faible pourcentage des dépenses d’infrastructure routière des départements, ils sont enregistrés dans la section investissement du budget des collectivités et ne font l’objet d’aucun fléchage vers des dépenses liées à la sécurité routière ».
Ce calcul, la Ligue de Défense des Conducteurs l’a tenté, et selon nos estimations, en 2020 c’est moins de 10 % des recettes des radars qui sont bel et bien affectés aux routes par l’intermédiaire de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), l’établissement public en charge du financement des grands projets d’infrastructures de transport.

Une absence de lisibilité qui ne date pas d’hier

Cette absence de lisibilité du Compte d’affectation spéciale ne date pas d’hier et avait déjà conduit à la création, en 2016, d’une annexe au Projet de loi de finances précisant l’utilisation par l’ATFIF et par les collectivités territoriales des recettes qui leur sont versés à travers le CAS. Mais la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021 précise que « les données demeurent toutefois peu détaillées et restent éloignées des demandes de la Cour, car elles ne permettent pas d’évaluer la part des crédits effectivement alloués à la sécurité routière ». En résumé, une fois qu’une collectivité a touché cet argent, il devient impossible de le tracer.

Des reproches qui poussent la Cour des Comptes à aller, une fois de plus, jusqu’à demander la suppression pure et simple du Compte d’affectation spéciale estimant que ce dernier est devenu « trop complexe, peu lisible et non conforme aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ». Les Sages proposent de le remplacer par « une annexe budgétaire unique dans laquelle figurerait l’ensemble des dépenses de sécurité routière et les recettes issues des amendes de circulation ». Pour l’instant et contrairement à Bercy, la Délégation interministérielle à la Sécurité routière ne veut pas entendre parler de cette solution. 

L’État pioche généreusement dans la cassette

Dans les faits, les amendes des radars servent donc principalement à l’achat de nouveaux appareils et à l’entretien et la maintenance de ceux existants. Au 31 décembre 2021, 4 422 radars (avec notamment 204 nouveaux radars tourelles) étaient déployés sur les routes françaises, contre un objectif initial de 4 700. De plus 81 nouvelles voitures-radars. privatisées ont été lâchées sur les routes. Leur nombre atteint désormais 485 véhicules.
Une part plus que conséquente sert également au désendettement de l’État. En 2021, cela représentait 465 millions d’euros, soit 38 % des dépenses du Compte d’affectation spéciale !
Pas étonnant que la Cour des comptes observe « un recul de l’acceptation des amendes par les contrevenants ». Entre un système qui finance l’achat de toujours plus d’appareils de contrôle et des amendes qui servent à éponger les dettes de l’État, pourquoi l’idée selon laquelle les radars sont des « pompes à fric » disparaitrait-elle ?

À la Ligue de Défense des Conducteurs, c’est tous les jours que nos sympathisants scandalisés nous contactent pour exprimer leur mécontentement quant à la prolifération des radars et la politique de répression routière. Vous avez l’impression d’être pris pour des « vaches à lait ».
À la lumière de ce rapport de la Cour des comptes, difficile de ne pas estimer que l'État pille littéralement le magot de vos contraventions pour renflouer ses caisses ou entretenir et déployer ses radars ... sous couvert de sécurité routière.