La réforme du stationnement entrant en vigueur le 1er janvier 2018 : décentralisation et dépénalisation

Matre Matthieu LESAGEAvec l’adoption de la loi MAPTAM (loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) adoptée le 27 janvier 2014, qui met en oeuvre la décentralisation du stationnement, les règles relatives à celui-ci ont été profondément modifiées.

 

Présentation de la réforme du stationnement :

   A. Vers une hausse prévisible du coût du stationnement dans de nombreuses villes :

      a. Le stationnement devient une véritable redevance d’occupation du domaine public :

Son montant sera fixé souverainement par chaque maire, sur le territoire de sa commune.

Sous l’empire du nouvel article L.2333-87 du Code général des collectivités territoriales, le Maire, dans le cas d’une commune, établira souverainement le montant de cette nouvelle redevance d’occupation du domaine public.

      b. La création du “forfait post-stationnement”

La décentralisation du stationnement s'accompagne aussi de sa dépénalisation.

Celle-ci se traduit par la suppression de l’amende contraventionnelle, d’un montant de 17 euro, qui sanctionne aujourd’hui les infractions au stationnement payant sur voirie.

Désormais, si l’automobiliste ne paie pas ou ne paie que partiellement cette redevance lors du stationnement de son véhicule, il ne commet plus une infraction sanctionnée par une amende à 17 €, mais doit désormais payer en remplacement un forfait de post-stationnement dont le montant, c’est la nouveauté, est fixé par la commune (ou le groupement de collectivités compétent).

Ainsi, le législateur a transféré la compétence en matière de sanction du défaut de paiement du stationnement, de l’Etat, qui fixait, par la loi, le montant de l’amende au niveau national (montant unique sur l’ensemble du territoire français) aux communes, établissements publics de coopération intercommunale, et aux métropoles.

Les premiers retours sur le dispositif du forfait post-stationnement font état d’un montant avoisinant les 50 euros en cas de dépassement ou de non-paiement de la redevance.

Les commerçant eux-mêmes seront directement touchés par la dépénalisation du stationnement, puisque l’article 63 de la loi MAPTAM prévoit que le paiement de la redevance est dû également par les livreurs (et professions médicales) en cas de dépassement de la durée de stationnement autorisée par leurs disques.

En outre, les véhicules en faute ne donneront plus lieu à des procès-verbaux dressés par des agents relevant des forces de police, mais à des rapport établis par des agents privés, assermentés pour l’occasion, et salariés par des sociétés privées.

La réforme du stationnement implique ainsi la délégation de la gestion du stationnement à des sociétés privées.

La réforme du stationnement constitue un basculement : de l'utilisation d'un pouvoir de police du maire destiné à réguler le stationnement pour permettre l'usage des places de  stationnement entre le plus grand nombre d'automobilistes, à une potentielle logique de rentabilisation financière de l’occupation du domaine public par les usagers.

Le risque est donc grand d'assister à une hausse, d’une part, du coût horaire du stationnement considéré désormais comme une taxe, et d’autre part, du montant de la sanction, le “forfait post-stationnement”, décidé dans chaque commune ou collectivité locale.

 

    B. Vers une contestation des verbalisations plus difficile pour les automobilistes :

      a. Le processus de verbalisation et de recouvrement du forfait post-stationnement

Si l’automobiliste ne paie pas le stationnement, ou excède la durée de stationnement pour laquelle il a payé, les agents des sociétés privées constatent le non-paiement de la redevance d’occupation du domaine public.

Les agents des sociétés privées seront éventuellement équipés d’appareils leurs permettant de photographier le véhicule défaillant.

Ensuite est  déposé sur le véhicule ou est envoyé électroniquement ou par voie postale à la personne titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule, la taxe du forfait post-stationnement. Dans le cas de copropriétaires, ceux-ci sont considérés comme redevables solidairement de la taxe.

En cas de non-paiement de la redevance initiale, le titulaire du certificat d’immatriculation devra régler le forfait post-stationnement, dans le délai de trois mois à compter de l’envoi dudit forfait.

Enfin, en dernier recours, en cas de non-paiement du forfait post-stationnement, sera émis un titre exécutoire d’avis d’amende forfaitaire majorée dont le titulaire du certificat d’immatriculation sera redevable.

      b. Les modalités de contestation par les automobilistes

L’automobiliste pourra contester l’avis d’amende forfaitaire majorée ainsi émis.

La procédure relative à la contestation de ces redevances d’occupation du domaine public, bien que non encore établie officiellement semble être la suivante :

Tout d’abord, l’intéressé devra former un recours administratif préalable obligatoire auprès du siège de l’agent assermenté en charge de la constatation du non acquittement de la redevance. Ce qui est de nature à créer une certaine insécurité juridique, tant le nombre des acteurs de la procédure, et donc des sociétés requises par les exécutifs locaux est susceptible d’être multiple.

Ensuite, en cas de rejet de cette contestation, il conviendra de saisir la Commission du stationnement spécialement créée auprès du Tribunal administratif de Rennes. Celle-ci statuera en premier ressort sur les contestations formées par les requérants après rejet de leurs recours administratifs préalables obligatoires.

Le juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, qui était traditionnellement compétent pour statuer sur les contestations relatives aux contraventions de stationnement, sera dès le 1er janvier 2018 remplacé par une Commission administrative : la garantie des droits de la défense des automobilistes s’en verra ainsi grandement diminuée.

Ainsi, non seulement le coût du stationnement devrait fortement augmenter, mais en outre, les automobilistes, verront leurs contestations devenir plus difficiles.

 

Matthieu LESAGE

Avocat à la Cour

Vice-Président de l'Automobile Club des Avocats