Envolée du prix du malus CO2 : la goutte d'eau qui fait déborder le vase

A la Ligue de Défense des Conducteurs, nous avons failli nous étrangler en découvrant l'envolée du barème du malus CO2 dans le Projet de loi de finances 2021. Bien sûr que l'automobile doit limiter son impact sur la planète et sur la santé. Mais le malus soi-disant écologique, lui, n'a d'autre fonction que celle de remplir les caisses de l'Etat… Pire, il est contreproductif. Après avoir lu notre démonstration, factuelle et limpide, il se pourrait même que vous arriviez à la même conclusion que nous : il faut supprimer le malus CO2.

La voiture que vous achetez en 2020 émet 138 g de CO2 par kilomètre ? Le malus vous coûtera 50 €. Vous achetez strictement le même véhicule l'année prochaine ? Ce sera 210 €. Soit 320 % d'augmentation, comme nous vous l'expliquions dans le premier article consacré au nouveau barème publié dans le cadre du Projet de loi de finances (PLF) 2021.

L'Etat n'a même plus la pudeur de plafonner ce malus, qui pèse de plus en plus lourdement sur le portefeuille des conducteurs et s'envolera, l'an prochain, jusqu'à 40 000 € (voire 50 000 € en 2022). Un nouveau pas est franchi avec ce barème réactualisé pour les deux années à venir : l'automobiliste passe du statut de vache à lait à celui de corne d'abondance !

Ce n'est pas faute d'avoir fait d'immenses efforts depuis des décennies. Car nous avons bien conscience que, comme toutes les industries, l’automobile doit être responsable, c’est-à-dire limiter son impact sur l'environnement et la santé. Dans ce cadre, elle doit, entre autres, se plier à des réglementations déjà existantes depuis longtemps en Europe. Ainsi, tous les cinq ans environ, les normes réglementaires se font de plus en plus intransigeantes vis-à-vis de la pollution. La norme Euro 6, en vigueur aujourd'hui, impose une baisse de plus de 95 % de tous les polluants depuis la première mouture de ces normes au début des années 1990. Parallèlement, pour lutter contre l'effet de serre et le réchauffement climatique, une réglementation européenne impose déjà une réduction très importante en matière d’émissions de CO2, émis à l’échappement de nos automobiles. 

A titre d’exemple, entre 1990 et 2020, les émissions de CO2 des voitures neuves ont diminué de 48 %, l’objectif européen imposant de baisser d’encore 37,5 % d’ici 2030. Entre 2005 et 2030, les émissions de CO2 auront finalement dégringolé de 63 % en moyenne !

Pour 2020, les constructeurs doivent respecter, en moyenne sur tous leurs modèles vendus, une valeur de 95 g/km de CO2, à comparer aux 181 g/km de 1990. En cas de dépassement, l’Europe impose une amende de 95 €/g de CO2 au-dessus de la cible, et ce pour chaque modèle vendu. Ce qui pourrait coûter plusieurs centaines de millions d’euros par constructeur en cas de non-respect.

Pourquoi le malus CO2 est inutile

Compte tenu des très fortes amendes qui les menacent, tous les constructeurs ont fait en sorte de respecter cet objectif. Ils ont donc innové à grands frais avec des technologies permettant de bien moins consommer, donc d’émettre bien moins de CO2 (les deux sont directement liés). Pour éviter les amendes, ils ne produisent que les modèles leur permettant de rester en accord avec cet objectif de 95 g/km en moyenne. Ces restrictions de production des modèles trop fortement émetteurs de CO2 font que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre automobile visé par l’Europe sera tenu, malus CO2 français ou pas.

Pourquoi le malus CO2 est contreproductif

Les technologies pour réduire fortement la consommation, donc les émissions de CO2, coûtent cher, voire très cher. Un modèle hybride coûte ainsi au minimum 2 000 € de plus qu’un non hybride. Pour un hybride rechargeable c’est minimum 8 000 € de plus qu’un modèle essence "normal". Tandis qu’un électrique est facturé environ 12 000 € de plus que son équivalent thermique. 

Resituons le débat : la voiture neuve la plus vendue ces trois dernières années aux acheteurs particuliers est la Dacia Sandero, dont le prix de vente moyen est de 11 980 € (source Dacia). Or, l’hybride la moins chère du marché est facturée près de 21 000 €, et l’hybride rechargeable la plus « abordable » commence à près de 34 000 € ! La très grande majorité des ménages n’a donc pas du tout accès à ces motorisations les moins émettrices de CO2.

Autre incohérence, depuis le "dieselgate" de 2015, tout est fait pour décourager les acheteurs d’opter pour le gazole (annonces d’interdiction dans les villes ou à la vente à court terme, diabolisation des émissions polluantes…), alors qu’un véhicule recourant à ce carburant est aujourd’hui aussi propre qu’un essence, et surtout émet entre 15 et 20 % de CO2 en moins. Bref, cette attitude schizophrène semble dictée par une politique dogmatique, et non fondée sur une réalité technique.

Les conséquences de ce malus aux montants qui grimpent en flèche, à la grille d’application abaissée (de 138 à 123 g/km comme le PLF l'envisage) ? C'est simple, les familles modestes et celles de la classe moyenne finiront par renoncer à un achat neuf. Elles garderont donc plus longtemps un modèle déjà ancien, plus fortement émetteur de CO2. Non seulement, c'est l’inverse de l’effet recherché, mais en plus, cela sclérose le marché du neuf, alors que nos constructeurs ont plutôt besoin d’un marché dynamique pour préserver les emplois, et rentabiliser les énormes investissements consentis pour baisser les émissions de CO2. 

De plus, n’oublions pas que les modèles fabriqués en France sont majoritairement assez haut de gamme, donc plus émetteurs de CO2 que les moins coûteux, lesquels sont fabriqués dans des pays où le coût du travail est inférieur. Augmenter le malus dans des proportions envisagées par le PLF aurait donc un impact très négatif sur ces modèles fabriqués dans l'Hexagone, avec une conséquence évidente sur les emplois. 

Enfin, un malus encore plus onéreux dans notre pays, mais surtout plus sévère que chez nos voisins européens, aurait un effet dramatique de distorsion de la concurrence vis-à-vis des constructeurs français qui vendent beaucoup sur le territoire national, et seraient donc plus impactés sur leurs volumes de ventes que leurs concurrents étrangers.

Ce qu’il faut faire

  • Supprimer ce malus inutile, injuste, et contreproductif. Le député de la Loire Dino Cinieri vient d'ailleurs de déposer un amendement (n°I-131) dans ce sens, demandant la suppression pure et simple de l'article 14 du PLF 2021, relatif à la "Refonte des taxes sur les véhicules à moteur". Ce qui reviendrait donc à mettre le malus CO2 aux oubliettes ! Une initiative que soutient évidemment la Ligue de Défense des Conducteurs.
  • Arrêter de diaboliser les motorisations diesel qui, si elles ne sont pas pertinentes en ville, se justifient pleinement pour les gros rouleurs, les gros véhicules, ou ceux pratiquant majoritairement l’autoroute.
  • Pérenniser à long terme les avantages du GPL, qui est un carburant moins émetteur de polluants et de CO2 (- 10 % environ), et qui permet aux plus modestes de rouler au coût kilométrique du diesel, pour un prix d’achat équivalent (chez Dacia ou Renault) ou à peine supérieur à celui d’un modèle essence.
  • Créer un environnement européen favorable à l’E85. Ce carburant, qui lui aussi permet de diminuer les émissions de CO2 (environ -40 %, grâce au CO2 stocké par la plante quand elle pousse), est fabriqué en France par nos agriculteurs, majoritairement à partir de betteraves sucrières, excédentaires en production. Or la France est un des rares, avec quelques pays scandinaves, à favoriser fiscalement ce carburant, et l’Europe ne reconnaît pas encore l’important avantage d’émissions de CO2 de ce carburant. Si c’était le cas, cela inciterait les constructeurs à développer des modèles acceptant ce carburant, imposant assez peu de modifications pour être compatible avec un moteur essence, et quasiment aucune augmentation de tarif (seulement 200 € chez Ford par exemple).