Fausse baisse du malus CO2, création d’un malus au poids : les conducteurs, grands perdants des arbitrages gouvernementaux *

Pour savoir à quelle sauce sera mangé leur portefeuille, les acheteurs de voitures neuves doivent suivre l’actualité avec soin : à peine le projet de hausse impressionnante du malus CO2 est-il annoncé, que cette dernière est soi-disant rabotée : en réalité, elle est simplement étalée sur trois ans au lieu de deux. Tout cela permet d’endormir les conducteurs qui supporteront, au total, la même hausse de fiscalité… accrue par la création d’une nouvelle taxe : le malus calculé sur le poids du véhicule.

 

S’il est un sujet complexe, c’est bien la fiscalité automobile. En la matière, Barbara Pompili, ministre de l’Écologie, et Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, viennent de se livrer à un combat de judo que la première vient de remporter : elle a ouvert la voie à une taxe sur le poids des véhicules… qui s’ajouterait au malus déjà en vigueur, dont le barème varie selon les émissions de CO2.

 Fin septembre, M.  Le Maire avait pourtant rejeté solennellement cette éventualité, en déclarant que « Cette taxe pénaliserait aussi les entreprises françaises car elles produisent des SUV » (Capital.fr, « Malus auto : les barèmes 2021 et 2022 dévoilés », 28 septembre 2020). Remarquons au passage l’amalgame entre poids des voitures et SUV… De nombreux parlementaires sont alors allés dans le même sens que le ministre, en alertant sur les risques qu’un malus au poids ferait peser sur les emplois de la filière automobile. En commission des finances, début octobre, Éric Woerth semblait lui aussi convaincu : « Ça peut empêcher un certain nombre de commercialisation de véhicules neufs […]. Si vous faites le total des deux malus, le malus CO2 et le malus poids c’est 88 % des véhicules qui sont produits en France qui sont touchés » [1]

Des convictions personnelles qui ont visiblement laissé Barbara Pompili de marbre. En effet, la ministre de l’Écologie n’a pas hésité une seconde à détricoter ce que son collègue de Bercy venait de tricoter, en imposant un futur amendement au Projet de loi de finances, qui vise à taxer les véhicules de plus de 1 800 kg (hors voitures 100 % électriques et hybrides rechargeables). Selon quel barème, calculé à quel taux, on l’ignore encore. Certes, les modèles les plus populaires pèsent rarement aussi lourd, mais soyez certains que chaque année, ce poids limite sera réévalué… à la baisse.

Histoire de faire passer la pilule, le barème du malus CO2 contenu dans le Projet de loi de finances 2021 a été, lui aussi, revu à la baisse (voir grille complète ci-dessous). Pour vous donner un exemple, le premier échelon du malus (50 €) touche, en 2020, les voitures neuves émettant 138 g de CO2/km. En 2021, initialement, le barème démarrait dès 131 g. Sa version révisée est finalement remontée à 133 g. Mais ne vous y trompez pas : la hausse du malus CO2 est simplement étalée sur trois ans, au lieu de deux. Pour l’année prochaine, au premier abord, le consommateur croit donc à un « beau geste », mais celui-ci n’est que temporaire. En effet, ce « lissage » sur trois ans n’est là que pour faire avaler la potion amère de la nouvelle taxe sur le poids. [2]

Rappelons que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre automobile (95 g de CO2/km en 2020, en moyenne), imposé par l’Europe, sera tenu par les constructeurs : les amendes en cas de dépassement seraient dévastatrices dans le cas contraire. Durcir le barème du malus CO2 pour les acheteurs n’a donc rien à voir avec l’écologie… mais plutôt l’économie.

Parallèlement, l’ajout d’une taxe au poids – un nouvel impôt, en vérité – ne vise qu’à caresser les anti-voitures dans le sens du poil, tout en contribuant, là aussi, à faire entrer des recettes supplémentaires dans les caisses de l’État.

 

Dans ce cas précis, le plus révoltant c’est de constater à quoi tient la fiscalité qui pèse sur les conducteurs : un simple arbitrage. Comprenez le talent de tel ministre, qui réussit à faire passer sa vision de l’économie et de la société au détriment de tel autre... Mais quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre, c’est-à-dire l’acheteur d’un véhicule neuf. La Ligue de Défense des Conducteurs s’indigne de cette multiplication des surtaxes, effectuée sans aucun égard envers la situation financière des acheteurs potentiels, dans un contexte économique déjà fortement dégradé.

 

 

[1] Lagarde (Florence), « Ces députés qui pensent que le malus devient "confiscatoire" et que le malus au poids est une "fausse bonne idée" », Autoactu.com, 09/10/2020

[2] Amendement No I-2961 à l’article 14 du PLF pour 2021, Assemblée nationale, 16/10/2020 : « Le présent amendement a pour objet de lisser la hausse du malus CO2 sur trois années, dans la mesure où le Gouvernement souhaite compléter ce malus par une composante assise sur la masse en ordre de marche du véhicule. En effet, si l’objectif d’un abaissement de 15 grammes de CO2 recommandé par la convention citoyenne pour le climat est cohérent au regard des objectifs environnementaux, sa mise en œuvre sur deux ans, en complément de la composante masse, induirait une hausse de taxation trop brutale pour les véhicules concernés. Elle ferait ainsi courir le risque de ne pas permettre aux constructeurs et aux ménages de s’adapter et d’être considérée comme trop punitive. L’article 14 du projet de loi prévoit un lissage de la hausse du malus CO2 sur deux ans. Compte tenu des difficultés mentionnées ci-dessus, le présent amendement va plus loin en prévoyant un lissage sur trois ans : - baisse du seuil d’entrée dans le malus de 5 gramme par an, en 2021, 2022 et 2023 ; - hausse du plafond du malus de 10 000 € par an, en 2021, 2022 et 2023. »