« Je ne vois pas comment on peut parler de mobilités apaisées à partir du moment où le danger est omniprésent, pour tout le monde »

Thibaut est venu en voisin. Lui qui se déplace majoritairement en BMW 1200 RT, puissante routière de la marque bavaroise, a spontanément proposé de nous retrouver à proximité des locaux de l’association, dans le 14e arrondissement de Paris. Rendez-vous est donc pris dans un café de la rue d’Alésia. Pour ce formateur commercial de 46 ans, qui enfourche sa moto dès qu’il peut (« j’adore ça »), la notion de plaisir est très importante, au moins autant que la liberté. « Pour moi, l’automobile, comme la moto, en est un instrument, je ne peux pas m’en passer », nous assure-t-il d’emblée. Peu importe l’impact énorme sur son budget que représente le carburant : « Quand vous faites entre 15 000 et 20 000 kilomètres par an c’est lourd, même avec une Clio c’est affolant… » déplore-t-il.

Lorsqu’on connaît les conditions de circulation à Paris, où l’équipe municipale, sous l’égide d’Anne Hidalgo, semble résolue à avoir la peau de tout ce qui roule avec un moteur non électrique, on ne peut que saluer la détermination de Thibaut. Le Parisien pourrait-il néanmoins renoncer au plaisir du véhicule individuel, qu’il soit à deux ou quatre roues, et opter pour d’autres types de mobilités ? « Ce n’est pas la question, tranchet-il, le problème ce sont les risques. Je ne vois pas comment on peut parler de mobilités apaisées à partir du moment où le danger est omniprésent, pour tout le monde ». Inimaginable donc pour Thibaut, qui regrette que ce soit de pire en pire depuis la multiplication des « engins de déplacement personnel » (EDP), de renoncer au véhicule motorisé : « Je ne le ferai pas… par raison de sécurité, justement. Moi, à Paris, je cohabite avec les utilisateurs de modes de mobilité douce, mais eux ne cohabitent pas avec moi. Ils ne respectent pas les mêmes règles que les autres. »

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Le résultat, tous ceux qui roulent (ou marchent !) à Paris l’ont vécu : la circulation frise l’anarchie. « Pour tout vous dire, se désole le motard-automobiliste, je regrette que l’apprentissage de cette cohabitation ne soit pas une priorité et qu’il y ait un tel laxisme à l’égard des utilisateurs de mobilités alternatives. » Un laxisme qui ne bénéficie absolument pas aux automobilistes, selon Thibaut. « Quand vous avez besoin d’une voiture, comme c’est le cas de millions de Français, vous allez mettre des moyens dedans, vous allez sacrifier certaines choses pour pouvoir l’utiliser, et ça, les politiques l’ont bien compris, donc ils tapent là où c’est facile », s’insurge-t-il. Dans sa ligne de mire, entre autres, l’instauration à Paris et la Métropole du Grand Paris d’une Zone à faibles émissions (ZFE), la plus zélée du pays. Laquelle a déjà eu impact sur Thibaut : « J’ai dû vendre ma BMW Série 3 diesel car elle était « seulement » Crit’Air 3. » En effet, cette vignette sera indésirable à l’intérieur du périmètre de l’autoroute A86 à partir de début 2023. « Je n’ai pas eu le choix parce que j’ai besoin de circuler dans la ZFE, mais c’est ça que je trouve odieux, ne pas avoir le choix ».

Thibaut est d’autant plus révolté que son véhicule fonctionnait très bien… sans compter que selon lui, l’abaissement des émissions polluantes ne doit pas uniquement reposer sur les épaules des automobilistes. « Lors du premier confinement au printemps 2020, après un mois sans circulation, j’ai remarqué lors d’un footing qu’un panneau d’information de la ville de Paris affichait une qualité de l’air moyenne… » s’interroge-t-il. Ce qui prouve bien la nécessité pour les candidats à l’élection présidentielle de se pencher aussi sur les autres sources de pollution, sans se contenter de viser l’automobile. « Je prêterai attention à leur politique sur la voiture, termine Thibaut. Si ce n’est pas un sujet prioritaire, en revanche, c’est un sujet qui doit être traité ».