Voitures-radars avec chauffeurs privés : un rodage en demi-teinte avant la déferlante de PV ?

Où en sont les voitures-radars privatisées ? De rares chiffres régionaux laissent penser qu’elles fonctionnent moins que prévu. En effet, c’est la période de rodage. Mais dès qu’elles fonctionneront dans toute la France et davantage d’heures par jour, ce sera très différent : gare aux PV !

Des véhicules aux capacités redoutables

On se demandait ce qu’elles devenaient, ces voitures-radars à conduite externalisée. On sait simplement qu’en 2017, ces radars ont généré 1 813 222 flashs pour environ 1 500 000 PV[1].

Pourtant elles avaient de quoi susciter l’inquiétude : dans un véhicule-radar actuel, les deux policiers ou gendarmes en uniforme sont remplacés par un chauffeur privé. En outre, le véhicule est banalisé et se fond dans la circulation. Pendant qu’il roule, il parvient à mesurer la vitesse des véhicules qui le dépassent ou qu’il croise. Il peut ainsi établir l’existence d’un excès de vitesse et prendre en photo le véhicule concerné[2]. Le flash utilisé pour ce cliché est infrarouge donc invisible.

Au regard de telles capacités, une hypothèse initiale était que les résultats de ces véhicules passeraient de 2 à 12 millions de flashs par an.

Un calendrier était même prévu : la Bretagne, les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire devaient être les prochaines régions de diffusion de ces matériels et tout le pays devait être couvert en 2020.

Peu de flashs pour l’instant…

Et puis, rien. Pas d’information. Enfin, jusqu’au 31 janvier 2019, où le ministère de l’Intérieur répond à une question écrite d’un sénateur sur ces machines. Il y apparaît qu’en octobre 2018, en Normandie (région qui a étrenné le dispositif), « 2 248 messages d’infractions ont généré 1 873 amendes pour excès de vitesse pour un montant moyen de 135 euros par amende ». Avec une quinzaine de véhicules en service, cela représenterait 2,46 amendes par heure de contrôle[3].

Face à ces chiffres plutôt faibles, d’aucuns en concluraient hâtivement que la menace avait été surestimée. Ceux-là devraient méditer les propos du Délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, relatés par France Bleu : « Ce premier bilan du mois d’octobre paraît certes peu reluisant, mais "les chiffres de novembre et décembre étaient en nette progression", assure-t-il. "Quand on sera totalement prêts, on pourra envisager de développer le dispositif dans d’autres régions." »[4]

… mais passée la phase de rodage, gare aux PV !

Les voitures-radars étaient donc simplement en rodage dans une seule région, avec un faible effectif (15 à 26 véhicules) et chaque voiture n’était pas employée au maximum (3h55 par sortie, en moyenne). Voilà pourquoi elles flashaient « peu » au regard de leurs capacités. Ces PV représentaient tout de même environ 250 000 euros !

Mais si le calendrier a pris du retard, il n’est pas annulé ! Et quand il aura atteint son plein développement, la situation sera tout autre. Il faudra alors avoir plus d’informations qu’aujourd’hui (un seul mois, octobre 2018, dans une seule région, la Normandie) !

C’est l’intérêt des questions écrites qu’ont déposées une quinzaine de députés, début 2019 : ces parlementaires ont demandé au Ministre de l’Intérieur le nombre (actuel et à venir) de voitures-radars en France, et leur nombre de flashs et de PV. Ils ont aussi demandé si la conduite par des chauffeurs privés avait eu un impact sur ces chiffres. Leur démarche rejoint les analyses de la Ligue de Défense des Conducteurs qui salue donc la pertinence de leurs questions. En effet, avec de telles capacités, ces radars mobiles pourraient un jour remplacer les radars fixes[5].

 

[1] Caradisiac, 01/02/2019

[2] Sciences & avenir, 20/04/2018

[3] Ouest-France, 06/02/2019

[4] France Bleu, 06/02/2019

[5] Caradisiac, 21/01/2019